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que M. Meyerbeer fit la connaissance de Charles-Marie de Weber, l’immortel auteur du Freischütz, qui a plus d’un rapport avec celui de Robert-le-Diable.

M. Meyerbeer débuta dans la carrière dramatique par un opéra en trois actes, la Fille de Jephté, qui fut représenté à Munich sans succès il avait alors dix-huit ans. Attristé, mais non découragé, par ce premier échec, il se rendit à Vienne, où il se fit une brillante réputation comme pianiste. Peu s’en fallut même que les succès du virtuose ne devinssent un écueil pour la gloire du compositeur ; mais, après un nouvel échec au théâtre de Vienne, où il fit représenter un opéra-comique allemand intitulé Alcimeleck ou les Deux Califes, M. Meyerbeer, suivant le conseil que lui donnait Salieri, se décida à faire un voyage en Italie. Il arriva à Venise à peu près à l’époque où Rossini faisait représenter son premier chef-d’œuvre, Tancredi. On assure que cette musique enchanteresse fit une telle impression sur l’auteur de Robert-le-Diable, qu’elle modifia entièrement ses idées et transforma l’aversion qu’il avait conçue pour l’école italienne en une vive admiration, sentiment plus équitable qui ne fut pas inutile au développement de son propre talent. Il en fit bientôt l’expérience à Padoue, où il eut le bonheur de composer pour Mme Pisaroni un opéra semi-seria, Romilda e Costanza, qui fut accueilli avec enthousiasme. Le grand chanteur Pachiarotti, qui vivait encore, âgé de plus de quatre-vingts ans, voulut bien donner à M. Meyerbeer quelques conseils sur la manière d’écrire pour la voix humaine. Élève de l’abbé Vogler, qui l’avait été du père Valotti, maître de chapelle de l’église de Saint-Antoine, le jeune Tedesco n’eut pas de peine à conquérir les sympathies des habitans de Padoue, qui croyaient que l’auteur de Romilda e Costanza leur appartenait par les liens d’une parenté intellectuelle. Emma di Resburgo, Marguerita d’Anjou et il Crocciato, qui fut représenté à Venise le 26 décembre 1825, répandirent le nom de M. Meyerbeer dans toute l’Italie et fixèrent sur lui les regards de l’Europe. C’est alors qu’il reçut de M. Sosthènes de La Rochefoucauld l’invitation de venir à Paris pour diriger les répétitions de son opéra il Crocciato, qu’on allait représenter au Théâtre-Italien. Ce fut une circonstance décisive dans la destinée de M. Meyerbeer que son arrivée dans la capitale de la France, ce grand centre de la civilisation moderne, où Gluck était venu aussi, à la fin du XVIIIe siècle, opérer une révolution mémorable dans la musique dramatique.

Mise en contact avec l’esprit net et positif de la France après l’avoir été avec le génie facile et mélodique de l’Italie, l’intelligence méditative et profonde de M. Meyerbeer en reçut un choc salutaire, qui fit jaillir la source vive de sa propre inspiration. En effet, c’est de Robert-le-Diable et des Huguenots que date, pour ainsi dire, l’avènement de M. Meyerbeer ; car ses meilleurs ouvrages italiens, tels que Marguerita