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car l’arceau qui laisse pénétrer la vue dans la galerie latérale du chœur coupe cette partie de la muraille et divise par groupes la vénérable assemblée. Saint Grégoire de Nazianze est auprès de saint Basile, et l’artiste ne pouvait mieux faire que de les associer l’un à l’autre ; n’est-ce pas par l’éclat de la pensée, par l’élégance et la sérénité de l’imagination qu’ils se distinguent tous deux au milieu des théologiens de leur temps ? On souhaiterait peut-être sur la figure de saint Basile un peu plus de cette grace poétique qui brille dans l’Heptarnéron ; le peintre ne s’est pas assez souvenu que l’évêque de Césarée est, avant tout, le plus suave et le plus harmonieux écrivain du IVe siècle. Au contraire, c’est l’action, c’est l’autorité, c’est l’indomptable énergie du commandement qui triomphe dans l’éloquence de Chrysostôme et d’Athanase ; on aime à voir réunis ces deux grands chefs dont les luttes et les malheurs rappellent la période héroïque de l’église d’Orient. Le type de saint Chrysostôme reproduit parfaitement le caractère de sa vie et de ses travaux ; sa large tête, son abondante chevelure, la flamme de son regard, tout concourt à exprimer la puissance. Ce n’est pas seulement l’orateur à la bouche d’or que nous avons devant les yeux, c’est le patriarche, le souverain de l’église de Constantinople. J’en dirai autant de saint Athanase ; à cette belle barbe blanche, à cet austère visage creusé par la méditation bien plus encore, que par les fatigues d’une vie errante, je reconnais l’invincible athlète qui, du fond de son désert, luttait presque seul contre l’église révoltée, et triomphait des ariens. Ces quatre figures font le plus grand honneur à l’intelligence et à l’habileté du peintre ; le dessin est large, la couleur harmonieuse, et les draperies pleines de souplesse et de majesté ajoutent encore à l’effet de ces beaux types.

À droite, et parallèlement aux pères grecs, voici les quatre principaux docteurs de l’église latine. Saint Augustin et saint Ambroise regardent saint Athanase et saint Jean-Chrysostôme ; saint Jérôme et saint Léon-le-Grand font face à saint Basile et à saint Grégoire de Nazianze. Ces figures me paraissent mériter les mêmes éloges que celles des pères grecs. D’éminens critiques, je le disais tout à l’heure, ont eu bien raison de remarquer combien la peinture monumentale donne de force et d’assurance au pinceau. Une fois maître du style qui convient au sujet, l’artiste n’a plus à recommencer de nouvelles études, comme celui qui passe d’un tableau à un tableau d’un genre tout différent ; il n’a qu’à persévérer dans la même voie, à appliquer sans hésitation le résultat de ses précédens travaux, et, à mesure qu’il avance dans la vaste composition qui l’occupe tout entier, il affermit, il agrandit sa manière. Les pères de l’église latine sont peints avec une largeur et une aisance qui attestent la fécondité de la peinture murale, en même temps qu’elles révèlent la sérieuse préparation de l’artiste. Il était difficile d’éviter la monotonie en représentant ces huit docteurs assis ; M. Flandrin a évité cet écueil, et il semble qu’il l’ait évité sans effort, tant la beauté des traits et la variété des expressions corrigent, sans qu’on y pense, l’uniformité des attitudes ! Ces deux belles galeries couronnent merveilleusement les riches murailles que je viens de décrire ; les docteurs siégent au plus haut de l’empyrée, et, graves, loin du bruit de la foule, ils méditent, comme dit Bossuet, sur l’incompréhensibilité des mystères. Au-dessus de la prédication évangélique, au-dessus de l’adoration des anges, il y a le plus beau spectacle qui