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qui, cette fois, sut se produire avec à-propos et énergie, elle n’avait pas été mauvaise non plus pour les révolutionnaires. La police de la ville avait été violemment retirée des mains de l’administration, la force armée mise en suspicion, les pouvoirs de l’autorité transportés aux mains des chefs de la garde civique et partout exercés sans contrôle, suivant les inspirations de la multitude. Depuis la démission du cardinal Gizzi, donnée le 16, jusqu’à l’arrivée du cardinal Ferretti (26 juillet), Rome avait été à la lettre dix jours sans gouvernement.

Dans ce peu de temps, la situation était devenue révolutionnaire. Aux yeux de M. Rossi, le péril était extrême ; il n’attendit pas l’arrivée du nouveau secrétaire d’état pour ouvrir les yeux des conseillers du saint père. Voici dans quels termes s’exprima l’organe de ce gouvernement que les partis exaltés accusaient de favoriser les vœux des rétrogrades

« Je me rendis hier à la chancellerie d’état ; je trouvai monseigneur Corboli assez ému. Je lui dis sans détour que je ne voulais pas revenir sur le passé, que je ne voulais pas rechercher s’il n’eût pas été facile de prévenir ce qui arrive, qu’alors on avait devant soi des mois, qu’on n’avait plus aujourd’hui que des jours, des heures peut-être ; que la révolution était commencée, qu’il ne s’agissait plus aujourd’hui de la prévenir, mais de la gouverner, de la circonscrire, de l’arrêter ; que, si on y apportait les mêmes lenteurs, de bénigne qu’elle était, elle s’envenimerait bientôt ; qu’il devait se persuader qu’en fait de révolution, nous en savions plus qu’eux, et qu’ils devaient croire à des experts qui sont en même temps leurs amis sincères et désintéressés ; qu’il fallait absolument faire, sans le moindre délai, deux choses : réaliser les promesses faites et fonder un gouvernement solide ; en d’autres termes, apaiser l’opinion qui n’est pas encore pervertie, et réprimer toute tentative de désordre. Le parti conservateur, dis-je, existe ; il s’est montré actif, intelligent, dévoué ; il faut à la fois le satisfaire et le gouverner.

« Il convint pleinement de ces idées, et il m’indiqua comme la mesure la plus urgente et la plus décisive l’appel des délégués des provinces. Soit, lui dis-je ; je crois, en effet, la mesure fort bonne, si elle est bien conduite, s’il y a en même temps un gouvernement actif et qui sache rallier autour de lui les forces du pays ; mais, encore une fois, la perte d’un jour peut être un mal irréparable.

« Quelques minutes après cette conversation, le nouveau secrétaire d’état, le cardinal Ferretti, s’installait au Quirinal, les délégués étaient appelés à Rome ; le directeur de la police, monseigneur Grassellini, se retirait ; il était remplacé par monseigneur Morandi[1]. »

Mais M. Rossi n’était pas seul à porter ce jugement et à adresser des conseils aussi avisés.

« Il faut, écrivait M. Guizot à notre ambassadeur à Rome, il faut que le pape se décide nettement à faire toutes les réformes indispensables, à les faire complètes,

  1. Dépêche du 18 juillet. M. Rossi à M. Guizot.