Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/528

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soufflait à l’oreille du peuple les mots de liberté de la presse, de garde civique, de représentation provinciale. Une fois en possession de ces puissans moyens d’action, on se sentait sûr d’obtenir promptement le reste. Mais comment arracher au pape des concessions si décisives ? Pour gagner un point si important, rien ne coûta aux nouveaux meneurs. Ils employèrent tout à la fois l’extrême adulation ou une intimidation à peine déguisée.

Les manifestations populaires changèrent soudain de nature ; elles cessèrent d’être l’expression instantanée, vive et naturelle de l’opinion publique. Concertées entre un petit nombre de personnes qui s’étaient donné pour mission de conduire le gouvernement de sa sainteté à un but dont elles ne disaient le secret à personne, ces dimostrazioni in piazza (c’était leur nom reçu à Rome) étaient tantôt enthousiastes et bruyantes quand on avait tiré du saint père l’octroi de quelques mesures populaires ; froides et presque menaçantes quand on le soupçonnait de vouloir céder à l’influence des rétrogrades, parmi lesquels ne manquait jamais de figurer en première ligne le représentant du gouvernement français, car le gouvernement français s’opposait seul aux velléités libérales de Pie IX ! Tel était le mot d’ordre donné par les habiles du parti révolutionnaire, mot d’ordre trop fidèlement reçu, non-seulement par la population égarée des états romains, non-seulement par toute l’opposition française, mais par une portion trop considérable des hauts dignitaires et des membres les plus respectables du clergé et du parti catholique de France.

Que faisait alors celui que tant de correspondances erronées représentaient comme s’efforçant d’entraver, par ses objections, la marche libérale du gouvernement romain ? Dans une conférence avec le pape et le cardinal Gizzi, il exposait de nouveau avec insistance le danger des attermoiemens et l’état d’inquiétude fâcheuse où on laissait les esprits. Il indiquait avec une précision nouvelle les remèdes applicables à la situation.


« 1° Donner dans les états pontificaux une satisfaction large et loyale au parti réformateur ;

2° Éclairer et contenir le parti national, en lui faisant comprendre que l’impatience pourrait le perdre.

Ce double travail me paraissait facile au pape, dont on n’attendait que des réformes modérées, et désormais pratiquées dans presque tous les états européens, constitutionnels ou non ; au pape qui peut s’adresser, avec autorité même, aux consciences dans ses états, et hors de ses états par des voies dont ne dispose pas un prince laïque ; conforme à notre politique qui désire les réformes, sans troubles néanmoins pour la paix du monde et tout en laissant au temps ses droits ; honnête et utile en soi à l’Italie, qui, plus développée sans doute qu’elle ne l’était il y a vingt ans, n’est pas en état cependant de tenter de grandes et puissantes