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« L’amnistie n’est pas tout, mais c’est un grand pas de fait. J’espère que le nouveau sillon est ouvert, et que le saint père saura le continuer, malgré tous les obstacles qu’on ne manquera pas de lui opposer. »

Les obstacles que prévoyait M. Rossi ne tardèrent pas à apparaître. Ces obstacles ne vinrent pas seulement de l’inexpérience des hommes chargés de présider à la refonte totale d’une antique et détestable administration, ils naquirent surtout de la mauvaise volonté des agens inférieurs, fonctionnaires de tous les rangs, employés de tous les degrés, tous également intéressés au maintien des abus qu’il s’agissait de détruire. Pour triompher de tant de sourdes résistances, il aurait fallu renouveler la plus grande portion du personnel, ou tout au moins, par quelques éclatans exemples faits avec discernement, témoigner de la ferme intention où était le gouvernement de ne point se laisser détourner de la route qu’il s’était tracée. Malheureusement la même bonté d’ame qui avait rendu si facile au pape l’octroi d’une large amnistie lui rendait pénible l’emploi des mesures de rigueur. Il lui semblait dur de congédier sans pension une foule de salariés dont là coopération était inutile, sinon contraire, à l’accomplissement des réformes projetées ; en les pensionnant aux frais de l’état, Pie IX craignait d’imposer une charge trop lourde à ses finances. Chacun de ceux qu’il aurait fallu sacrifier ne manquait pas d’ailleurs de puissans protecteurs. Parmi les membres du sacré collège, beaucoup, qui n’osaient s’opposer de front à des mesures jouissant alors de la faveur générale, arrivaient au même résultat en appuyant de leur crédit des personnages dont la présence aux affaires leur garantissait suffisamment le maintien de l’ancien état des choses. Fort de ses bonnes intentions qui n’avaient point changé, assuré de l’affection enthousiaste de ses sujets, Pie IX ajourna la solution de difficultés qu’il lui coûtait de trancher. Ces retards eurent non-seulement pour résultat de faire perdre un temps précieux, mais de compliquer les embarras mêmes qu’il souhaitait éviter. En effet, tandis que les partisans du régime ancien se flattaient d’arriver ainsi à leurs fins par des voies détournées, les esprits ardens s’aigrissaient, les hommes rassis commençaient eux-mêmes à s’inquiéter, et la popularité de Pie IX recevait une première atteinte. Le 7 novembre, le saint père, s’étant rendu à l’église de Saint-Charles-Borromée, fut accueilli par la multitude avec une froideur marquée qui l’attrista visiblement. Dans la même journée, survint la nouvelle de quelques troubles fâcheux dans les provinces. Pie IX et le cardinal secrétaire d’état Cizzi furent très émus. Le lendemain, 8 novembre, parurent plusieurs décrets instituant trois commissions, composées de prélats et de laïques, et chargées de donner leur avis : la première, sur la réforme de la procédure criminelle et civile ; la deuxième, sur l’amélioration du système municipal, et la troisième, sur la répression du