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de France avait été avertie de l’usage que le saint père allait faire de son omnipotence ; le 16 au matin, elle reçut copie du décret lui-même ; l’après-midi, il était affiché sur tous les murs. Quelle explosion de joie, quel épanchement de reconnaissance suivirent cette lecture, cela est impossible à raconter. En un clin d’œil, l’heureuse nouvelle fut répandue dans la ville : toutes les maisons vidèrent leurs habitans dans les rues et sur les places publiques ; puis tout à coup, avant qu’aucun mot d’ordre n’eût été donné, par un mouvement irréfléchi, partirent des différens quartiers de Rome d’interminables processions d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfans, nationaux, étrangers, gens de toutes classes et de toutes professions, qui, sans chefs, mais avec un ordre admirable, vinrent apporter au saint père le témoignage spontané de la gratitude publique. Deux fois en peu d’heures, la vaste place du Quirinal avait été envahie, et à cette foule charmée, deux fois déjà, avant la fin du jour, Pie IX avait donné sa bénédiction. Cependant les habitans les plus éloignés n’avaient pu arriver encore. Une dernière bande, la plus nombreuse de toutes, ne déboucha sur la place qu’après la tombée de la nuit. Le pape était rentré dans ses appartemens : toutes les fenêtres du palais étaient déjà fermées. Contrairement à l’étiquette, qui ne veut point que les papes se laissent voir après le coucher du soleil, Pie IX consentirait-il à paraître une fois encore au balcon et à recevoir ce dernier hommage de ses sujets ? L’anxiété était grande dans la foule. Cependant, si le pape n’eût point paru, nul doute, écrivait M. Rossi, que cette multitude ne se fût écoulée en silence. Mais laissons-le raconter lui-même la scène dont il fut témoin.


« Rome, 13 juillet.

« … Tout à coup les applaudissemens redoublent ; je n’en comprenais pas la raison, lorsque quelqu’un me fit remarquer la lumière qui perçait à travers les persiennes, à l’extrémité de la façade du palais pontifical. Le peuple avait compris que le saint père traversait l’appartement pour se rendre au balcon.

« Bientôt, en effet, le balcon s’entr’ouvrit, et le saint père, en robe blanche et mantelet rouge, apparut au milieu des flambeaux. Que votre excellence se représente une place magnifique, une nuit d’été, le ciel de Rome, un peuple immense, ému de reconnaissance, pleurant de joie, et recevant avec amour et respect la bénédiction de son pasteur et de son prince, et elle ne sera pas étonnée si j’ajoute que nous avons partagé l’émotion générale et placé ce spectacle au-dessus de tout ce que Rome nous avait offert jusqu’ici. Ainsi que je l’avais prévu, aussitôt que la fenêtre s’est fermée, la foule s’est écoulée paisiblement dans un parfait silence. On aurait dit un peuple de muets, c’était un peuple satisfait. »

Appréciant ensuite dans la même dépêche la valeur de l’acte dont il venait de raconter les merveilleux effets, l’ambassadeur de France ajoutait :