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les efforts de ceux qui tantôt cherchèrent à leur imposer la civilisation par la conquête, tantôt voulurent proposer à leur imitation la constitution radicale de l’Espagne ou la charte libérale de la France. Chose singulière, précisément au moment où, abattus par tant de désappointemens et de revers, réduits à s’exiler au loin et à refouler au fond de leur cœur les sentimens de toute leur vie, les vétérans de la cause libérale renonçaient enfin à leurs tentatives impuissantes et désespéraient entre eux de l’avenir de leur pays, une secousse inattendue vint secouer l’universelle apathie. Ce ne fut point du sein des conciliabules tenus au dehors par les réfugiés italiens, ni des profondeurs des sociétés secrètes que partit l’appel auquel, pour la première fois, l’Italie entière devait répondre. Des hommes qui n’avaient jamais conspiré, qui faisaient profession d’obéir aux lois de leur pays, de respecter les souverains légitimes, des écrivains qu’aucune gloire n’entourait encore, simples gentilshommes tenus à l’écart des affaires publiques, prêtres modestes relégués dans les coins obscurs du sacerdoce, surent trouver tout à coup les accens qui allaient réveiller enfin tout un peuple endormi.

Il faut avoir vécu en Italie de 1840 à 1846 pour savoir l’effet prodigieux produit par les publications de M. le comte de Balbo, de M. le marquis d’Azeglio, de M. l’abbé Gioberti. Qu’y avait-il donc de si nouveau dans leurs écrits qui pût si fort frapper et émouvoir les esprits ? Une seule chose, mais une chose éternellement nouvelle et saisissante ; nouvelle et saisissante surtout pour qui a désappris de l’entendre : la vérité. Dans un langage vrai, précis, non dépourvu d’une certaine émotion contenue, MM. de Balbo et d’Azeglio, M. l’abbé Gioberti, faisaient entendre aux Italiens la vérité sur la nécessité d’une prompte transformation politique, la vérité sur les difficultés d’une pareille entreprise, la vérité sur les seuls moyens qu’il y eût selon eux de la conduire à bonne fin. En conviant leurs concitoyens à cette œuvre toute patriotique, les publicistes que je viens de nommer ne leur proposaient pas d’y procéder par la précipitation et par la violence. Non-seulement leur point de départ était tout autre que celui de leurs devanciers, mais ils ne craignaient pas de rompre ostensiblement avec eux, et de marquer, dès le début, la différence des doctrines. Au long cri de guerre poussé par la vieille école révolutionnaire, ils substituaient un incessant appel à la concorde. Bien loin de prêcher la révolte contre les princes, la haine contre le clergé, à mille lieues de vouloir semer l’ombrage entre les classes de la société et l’antagonisme entre les cités italiennes, sources anciennes de divisions et de ruines, ils conseillaient aux souverains la confiance dans leurs sujets, aux sujets l’affection pour leurs dynasties nationales, à chacun le respect des antiques croyances l’oubli des étroites rivalités locales ; ramenant tous leurs efforts à un