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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LE DUC DE GUISE.

Seulement… ce matin, madame…

LA REINE-MÈRE.

Ce matin ?… Tous croyez donc parler encore à ce bon cardinal ? Il serait homme à vous croire ; mais moi… Ce qu’aujourd’hui vous savez, monsieur, vous le saviez hier. Ne le niez pas… Je le vois… Oui, dès hier,… et vous avez eu le cœur de me laisser écrire cette lettre, de m’associer à votre guet-apens, moi la veuve de votre maître, la mère de votre roi ! Quel beau triomphe pour un victorieux comme vous !

LE DUC DE GUISE.

Madame, on ne peut qu’être fier de suivre les exemples de votre majesté.

LA REINE-MÈRE.

Qu’est-ce à dire ?

LE DUC DE GUISE.

Que vos plus intimes serviteurs ne cessent depuis hier d’ameuter contre nous cette plèbe des états. Est-ce à votre insu, madame ? Nous faites-vous confidence des ordres que vous leur donnez ?

LA REINE-MÈRE.

Ce n’est pas là répondre… ou plutôt la réponse est claire : vous confessez que vous m’avez trompée ! Et à quoi bon ? qu’y gagnez-vous ? Si vous étiez venu me dire franchement : « Voilà ce qu’on nous révèle, » ne vous aurais-je pas répondu : « Que justice soit faite ! » Croyez-vous que je me soucie de ce brouillon de Condé et de son endormi de frère ? Ne sais-je pas l’amitié qu’ils me portent ? Ne donnerais-je pas de bon cœur tous les princes du monde, pour peu qu’il en advînt quelque bien à mon fils ! Oui, monsieur le duc, si nous nous étions entendus, nous aurions fait les choses de meilleure façon, sans cette perfidie qui va révolter tant de gens !… Mais ce n’était pas votre compte ! mieux valait se cacher de moi. Vous vous croiriez perdus, si vous me laissiez un seul jour une occasion de bien servir mon fils. (Elle porte son mouchoir ses yeux.) Allez, messieurs, vos ennemis ont raison, vous n’êtes pas de loyaux serviteurs ! Si vous aimiez le roi, vous ne feriez pas à sa pauvre mère cette guerre acharnée !

LE DUC DE GUISE.

Tout peut se réparer, madame. Il n’est jamais trop tard pour bien servir le roi. Prêtez-lui votre assistance, comme s’il l’eût implorée plus tôt. La faute vient de nous, ne l’en punissez pas.

LA REINE-MÈRE.

Voilà, monsieur le duc, des paroles dorées !… Je devrais ne pas m’y laisser prendre… Mais je suis si faible, hélas ! (Elle pousse un soupir.) Voyons, où en êtes-vous ? Le prince est arrêté, qu’allez-vous faire ?