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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LE PRINCE DE CONDÉ.

Il ne faut rendre à César que ce qui lui appartient.

LE CARDINAL DE BOURBON.

Condé, laissez-moi donc dire à la reine ce que j’ai sur le cœur.

LE PRINCE DE CONDÉ, l’interrompant.

Il suffit de trois mots, mesdames : imaginez deux cadets de famille venant à noce sans y être invités, ou, mieux encore, deux vauriens conduits à la geôle entre deux files d’estafiers, voilà comme sont traités depuis une heure les plus proches parens du roi de France, venant s’asseoir sur les degrés du trône en rassemblée des états.

LA REINE-MÈRE.

Vous voulez rire, monsieur de Condé ?

LE CARDINAL DE BOURBON.

Hélas ! madame, il n’en dit pas assez. C’est pitié qu’on viole ainsi les plus saintes promesses ! Jugez de mon étonnement, lorsqu’en arrivant au rempart je me trouve en profonde solitude ; pas une ame de la cour, personne ; on eût dit que nous menions en terre deux pauvres pestiférés. À peine entrés en ville, les portes se ferment, les ponts se lèvent avec grand bruit de chaînes et verrous, comme si huit ou dix valets sur leurs mules allaient prendre Orléans d’assaut !…

LE ROI DE NAVARRE.

Ici c’est autre chose, les portes n’ont pas voulu s’ouvrir. Il m’a fallu mettre pied à terre dans la rue…

LE PRINCE DE CONDÉ, riant.

Moi, passe encore, un pauvre diable ! Mais, mon frère, un roi, entrant par un guichet !…

LE CARDINAL DE BOURBON.

Et cette promenade entre ces hallebardiers qui semblaient nous garder à vue…

LE ROI DE NAVARRE.

Et les brocards de cette soldatesque !

LA REINE-MÈRE.

Assez, messieurs, assez, vous me désespérez ! Votre plaie m’est cuisante plus qu’à vous-mêmes, croyez-moi ! Ces insultes, c’est à moi qu’elles s’adressent, à moi qu’on a chargée de vous appeler en cour. Faites-moi l’honneur de penser que je n’en ai pas reçu confidence. Il faudra bien qu’on le confesse devant nous. Je ne suis rien ici, vous le savez peut-être, mais j’ai le droit de me plaindre, et je veux en user… (Se tournant vers Mme  de Montpensier.) Duchesse, faites-moi la grâce d’aller voir si le roi veut recevoir ses cousins chez lui, ou si nous devons l’attendre ici.

(Mme de Montpensier sort. La reine-mère, se tournant vers le roi de