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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
LA REINE.

Non, je souffre un peu ce matin. J’ai voulu lire, je n’ai pu ; chanter, ma voix ne pouvait sortir…

MISS SEYTON.

Ah ! ma bien-aimée reine, qu’avez-vous donc ?

LA REINE.

Je ne sais… Je voudrais qu’il ne fût plus question des états : je ne serai tranquille que lorsque… Mais va donc, chère Marie, passe chez la reine ; elle doit avoir achevé son dîner.

MISS SEYTON.

J’y vais, madame. (Elle sort.)



Scène II.

LA REINE, seule.

Qui m’eût dit que jamais j’aurais cette impatience de voir la reine, de lui parler ? Hélas ! je meurs d’envie de savoir ce qui se passe. M’adresser à François, à mes oncles… je n’ose plus ! La reine, il faut l’espérer, m’apprendra quelque chose. — Si du moins j’étais assurée que Stewart aura suivi mes ordres !… Cette lettre, cette infâme lettre !… Et les paroles de François !… Ah ! ce serait affreux : j’en ai rêvé toute la nuit. Il me semblait qu’il venait, ce pauvre prince, qu’il me reprochait… Plutôt mille morts qu’un tel reproche venant de lui ! Et pourquoi ? D’où vient donc qu’il m’est si cher ? C’est leur lettre… Oui, ce sont eux !… Hier encore, ce me semble, je ne pensais point à lui ; je l’aurais revu sans trouble… Mais une telle perfidie !… Pouvoir être soupçonnée par lui… Ah ! ma tête se trouble. Bon Dieu ! que se passe-t-il en moi ? J’étais si heureuse jusqu’ici ! J’avais tant de joie d’être reine, tant de bonheur qu’une autre ne le fût plus ! J’aimais tant à le lui faire sentir ! à déjouer ses projets, à protéger ceux de mes oncles ! Mes oncles, leur grandeur, celle de notre maison, tout cela me remplissait tant le cœur ! Eh bien ! tout cela ne m’est plus rien… — Ah ! Seigneur ! serait-il possible !… Mais non, mon amour pour François ne doit pas en souffrir. Quand mes oncles ne le tourmenteront plus comme ils font, il redeviendra pour moi ce qu’il était. Oui, je l’aimerai toujours… je le veux… Mon Dieu ! prenez pitié de moi.



Scène III.

LA REINE, miss SEYTON, LA REINE-MÈRE.


MISS SEYTON.

Madame, la reine se disposait à passer chez le roi. La voici elle-même.