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LES ÉTATS D’ORLÉANS.
BOUCHARD.

Oui, monseigneur.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Vous en êtes bien certain ?

BOUCHARD.

Assurément, monseigneur ; à vous, et même à vous seul.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Vous avez bien entendu ?

BOUCHARD.

Parfaitement, monseigneur, et de mes deux oreilles.

LE PRINCE DE CONDÉ, avec feu.

Voyez-vous, maître Bouchard, si vous aviez le malheur de me dire un mot de plus que la vérité, je vous les ferais couper, vos oreilles, pour vous apprendre à mieux écouter.

BOUCHARD.

Ah ! bon Dieu ! monseigneur, que vous ai-je donc fait pour m’attirer de telles paroles ? Vous étiez si calme tout à l’heure, et maintenant…

LE PRINCE DE CONDÉ.

Maintenant je suis très calme encore, mon cher Bouchard.

BOUCHARD, regardant le cachet que le prince tient à sa main et dont il ne détache pas ses yeux.

Je me doutais bien que c’était là quelque chose d’importance. Il y a des armes, je crois : ne sont-ce pas les armes du roi ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Oui, c’est le cachet du roi.

BOUCHARD.

Il paraît bien ciselé et d’un précieux travail : je conçois que monseigneur le regarde avec tant d’admiration. (À part.) Il ne m’écoute pas.

LE PRINCE DE CONDÉ, sans l’écouter et contemplant toujours le cachet.

Ah ! ceci vaut mieux qu’une lettre. Son bijou favori ! qui jamais ne quitte sa ceinture ! que ses charmantes mains ont caressé tant de fois ! Oui, ses mains !… Quel délire ! Je crois les sentir dans les miennes.

BOUCHARD, à part.

Vive Dieu ! il me semble qu’on vous oublie, monsieur le connétable ! C’est bien, c’est bien !…

LE PRINCE DE CONDÉ, contemplant toujours le cachet.

À Chambord ! Oui, j’irai, j’irai, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’il advienne. — Mais, prenons garde, Bouchard me regarde… Et le connétable qui m’attend…

BOUCHARD.

Pardon, monseigneur, voudriez-vous me dire ce que je dois faire ? Remettre cette lettre, c’est convenu ; mais l’autre…