Pensez-vous donc qu’il vienne ?
Il n’est pas homme à manquer au rendez-vous… Ce n’est pas qu’aujourd’hui tout le monde se fait attendre. (Tournant la tête du côté de la galerie.) Comprenez-vous ce Bouchard qui ne revient pas ?… Le cardinal serait-il déjà parti ?
Vous voilà bien en peine. Que n’allez-vous y voir vous-même ?
Parbleu ! vous avez raison. (Il sort.)
Scène VI.
Je voudrais bien qu’on m’expliquât ce qui se passe chez cet excellent frère ! D’où lui vient aujourd’hui cet amour du danger ? Lui si sage, lui qui jamais ne s’embarque que par le ciel le mieux étoile, se lancer tête baissée dans un tel traquenard ! Il a donc bien peur de rompre avec le roi ? Je parie qu’il s’en va donner parole au cardinal… — Après tout, si j’étais à sa place, je n’hésiterais pas ; dès ce soir je serais à Orléans. Dieu sait ce qu’il m’en coûte de reculer devant ces deux cadets de Lorraine ! J’aurais tant de plaisir à les mesurer de l’œil !… Pour en avoir raison, il ne faut qu’un peu de cœur. — Mais paraître devant cette dédaigneuse qui me rendrait tout au plus mon salut ! Risquer ma tête pour qu’elle en soit moins émue que si son singe était malade ! Non, mille fois non ; je n’ai pas ce courage-là. Des dangers tant qu’on voudra, mais des dédains, des mépris de femme, je ne suis pas de taille à les braver. — Seigneur Dieu ! à quelle folie me voilà-t-il donc réduit ? quel rêve extravagant ai-je poursuivi depuis six mois ? Parce qu’un jour il m’a semblé… Non, je me fais pitié !… et j’ai quitté Nérac joyeux comme un enfant à la pensée que je me rapprochais d’elle ! Et pendant ce long voyage le cœur me battait à fendre mon pourpoint chaque fois qu’un message arrivait de la cour !… Mais elle songeait bien à moi ! Pas un mot, pas un signe, pas le moindre souvenir !… Tout à l’heure encore j’espérais que ce cardinal… Il venait de la voir, de lui parler… Mais non, j’ai eu beau l’interroger, rien, toujours rien. — Suis-je assez bafoué !… Je ne l’ai pas rêvé, pourtant, c’était bien elle, à Amboise, qui, pour mieux me convertir, me provoquait sans cesse à m’asseoir à ses côtés ; c’était bien elle qui, chaque soir, m’enivrait, comme à plaisir, de ses chansons, de ses douces poésies ; et quand, par hasard, en accordant son luth, ma main rencontrait la sienne, je ne vois pas qu’elle en fût