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REVUE DES DEUX MONDES.
LE PRINCE DE CONDÉ.

À cela ne tienne. Donnez-leur aussi mes baise-mains, mais, pour Dieu ! ne leur promettez rien.

LE ROI DE NAVARRE.

Ni promettre, ni refuser.

LE PRINCE DE CONDÉ.

La chose est claire, pourtant : mettez les pieds à la cour, vous n’en reviendrez pas.

LE ROI DE NAVARRE.

N’y point aller, c’est jouer bien gros jeu.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Y aller, c’est perdre à coup sûr ; les dés sont pipés.

LE ROI DE NAVARRE.

Moi, premier prince du sang, laisser ma place vide aux états… — Après tout, si MM. de Guise attentaient à ma personne, pensez-vous que les états le souffriraient ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Eh ! bon Dieu ! les états, c’est une comédie ! Quand ils seraient pour nous, ce dont je doute encore, oseraient-ils élever la voix au milieu des hallebardes et des mousquets ?

LE ROI DE NAVARRE.

Mais la reine Catherine… nous avons son appui ; le cardinal ne vous l’a-t-il pas dit ?

LE PRINCE DE CONDÉ.

Bel appui ? Est-ce elle qui commande aux cornettes de Cypierre ? Est-ce la reine Catherine qui fait marcher cette forêt de lances dont Orléans est enveloppé ? Et puis, fiez-vous donc aux femmes, et aux femmes de cette cour-là ! Vous savez bien ce qu’elles valent.

LE ROI DE NAVARRE.

En vérité, mon cher Louis, vous faites mon étonnement ! Vous qui toujours gourmandez ma prudence, vous voulez aujourd’hui que j’aie peur de mon ombre !

LE PRINCE DE CONDÉ.

Non, non, je ne veux rien. Allez, mon frère, faites-vous mettre en cage.

LE ROI DE NAVARRE.

Mon parti n’est pas encore pris.

LE PRINCE DE CONDÉ.

Allez… qu’attendez-vous ?

LE ROI DE NAVARRE.

J’attends le connétable. Nous lui avons promis…