Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solide. On connaît peu la marine ; on s’irrite de ne pas connaître et de ne pas comprendre. On condamne ce qu’on ne comprend pas. De là ces fluctuations de faveur et de mécontentement dont les effets sont si fâcheux pour les affaires maritimes. Le seul moyen de les prévenir, et c’est une question de salut, doit évidemment consister à désarmer les défiances par la constatation des faits administratifs décrits fidèlement au moyen de la comptabilité. Toute lacune dans le système donnerait place à des doutes. Pour que la confiance soit acquise, il faut qu’elle soit forcée par des preuves complètes. C’est ce qu’on a cherché à réaliser par un mode de comptabilité du matériel basé, comme la comptabilité financière, sur la contradiction perpétuelle de responsabilités distinctes. Le ministère de la marine pouvait-il éviter d’entrer dans cette voie ? Dès 1828, il y était poussé par les commissions de finances des chambres. M. Daru, rapporteur de la commission des comptes de 1826, signalait l’urgente nécessité de soustraire l’administration à la tentation trop facile de compenser, par des emprunts au matériel approvisionné en magasin, l’insuffisance des crédits votés pour l’année courante, c’est-à-dire d’entamer, pour les besoins du moment, les ressources indispensables à l’avenir. « Nouvelle preuve, disait le rapporteur, de la nécessité d’exiger les comptes en matières avant de faire les budgets. Si les ministres s’accoutumaient à considérer le matériel de leur département comme un supplément à leur crédit, il n’y aurait plus moyen de compter avec eux. » Dès cette époque, on déclarait que les comptes du matériel ne seraient sérieux qu’autant qu’ils seraient soumis au contrôle de la cour des comptes.

Le nouveau système a soulevé bien des critiques. Il modifiait radicalement les habitudes administratives de nos ports. Les tâtonnemens inséparables d’un début, nous ne voudrions pas dire quelques résistances, ont dû occasionner à l’origine des lenteurs préjudiciables à l’action. L’officier-général dont une vive saillie posait tout à l’heure la marine dans la balance de Sanctorius nous donnait, il y a deux ans, l’appréciation la plus ingénieuse de l’effet produit par le nouveau système. « C’était, disait-il, une action analogue à celle de la digitale. Elle régularise la circulation du sang, mais elle peut l’engourdir jusqu’à la léthargie. » C’est là précisément que gisait la difficulté. Il fallait régler sans paralyser. Depuis lors la machine a fonctionné ; elle a été débarrassée des rouages parasites. Employée avec persévérance, elle se simplifierait encore, nous n’en doutons pas, et, loin d’être funeste, la régularité qu’elle comporte serait un gage essentiel et pour réconcilier l’opinion publique et pour donner aux relations entre tous les services une précision qui se traduirait en célérité. Sans doute, aujourd’hui la comptabilité-matières remue trop de papiers ; mais est-ce bien au nouveau système qu’il faut s’en prendre ? N’est-ce pas plutôt à l’organisation administrative des magasins ? De tout temps,