Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’abus, s’il y avait lieu. Dans cette démocratie positive, on n’a jamais tenu en grand honneur la guerre, ni par conséquent la flotte et l’armée. La commission examina, débattit, déclara qu’en effet il y avait eu excès et qu’il fallait en prévenir le retour ; mais fut-il un moment question de décimer le personnel des officiers ? Non. L’extrait suivant du rapport de cette commission en fera juger. Il ne sera pas lu sans intérêt à cette heure où, dit-on, l’on discute non plus s’il y aura lieu de réformer un certain nombre d’officiers de tous les corps de la marine, mais dans quelles proportions la réforme adoptée en principe devra être appliquée.

« La commission (dit le rapport), tout en réclamant du congrès une mesure légitime qui prévienne l’accroissement du nombre des officiers, n’est pas disposée à solliciter le renvoi de ceux actuellement employés. Une réduction opérée par la réforme d’une partie des officiers serait injuste et inégale. Un officier qu’une promotion récente aurait fait passer d’un grade inférieur à un grade plus élevé se trouverait nécessairement à la queue de la liste et serait mis de côté, tandis qu’un autre, d’un mérite moindre peut-être, mais placé à la tête des officiers du grade immédiatement inférieur, serait maintenu. Il faut, en outre, tenir compte de la durée des services, de leur rigueur et de l’incapacité pour les services civils qui peut résulter d’un long séjour à la mer. La sagesse d’une pareille politique ne peut être révoquée en doute, si l’on réfléchit aux besoins futurs du pays[1]. »

Ces sentimens, dignement exprimés, ont porté fruit pour la démocratie américaine. La guerre du Mexique a démontré, au moment le plus inopiné, combien aurait été malheureuse la réduction conseillée. Et cependant il convient d’ajouter que la commission avait calculé les effectifs nécessaires, non pas d’après les exigences du service en temps de paix, mais en vue de l’armement de la flotte portée au grand complet de guerre[2]. La guerre est venue, et, à cette heure même, les États-Unis dépassent, en constructions navales, les prévisions qu’ils avaient pu croire jusque-là suffisantes pour leurs besoins d’avenir.

À ceux qui, séduits par des théories plus généreuses que vraies, seraient tentés de porter la main sur l’inscription maritime, nous dirons Allez consulter les étrangers ! allez consulter vos rivaux, ceux que vous prenez si souvent pour modèles en marine ! Ils envient à la France une institution dont l’absence a failli vous livrer en 1840 leur escadre de la Méditerranée insuffisamment recrutée. Lisez cet écrit si sensé, si patriotique du capitaine Plunkett, où il appelle la plus sérieuse attention de l’amirauté sur les périls qu’un mauvais principe de recrutement fait planer

  1. Traduction insérée aux Annales Martimes, t. 90 (1845), page 96.
  2. Voir aux annexes l’état C.