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montra combien la flotte avait perdu depuis la guerre d’Amérique. Tout le génie de Napoléon ne put rien pour conjurer le désastre et rien pour en écarter les conséquences. Flottille de Boulogne, construction improvisée d’une flotte de 100 vaisseaux, ne rendirent jamais la victoire à son pavillon. Il succomba dans sa lutte contre l’Angleterre, non pour avoir négligé la marine, mais pour n’avoir pu rendre docile à sa volonté cette force si énergique, mais si mobile, si longue à créer, mais si vite évanouie.

Enseignemens : La France a constamment éprouvé qu’elle ne pouvait se passer d’une marine ; elle l’a voulue après l’avoir dédaignée ; mais il ne suffit pas de vouloir, il faut vouloir patiemment, avec ordre, modération et persévérance. Hors de ces maximes point de marine durable, Les événemens l’ont démontré.

La volonté n’a fait défaut ni à Napoléon, ni à Richelieu ; mais le temps a manqué à l’empereur, la persistance au grand ministre.

Seignelay voulut aussi la gloire de la marine ; mais il n’apporta dans son œuvre ni l’ordre dont son père lui avait légué l’exemple, ni la modération qui pouvait la rendre durable. C’est avec Seignelay que Louis XIV prétendit imposer son omnipotence à la mer.

Colbert et Louis XVI ont seuls compris la marine telle qu’elle convient au génie de la France, telle qu’il faudrait un jour la lui rendre.

Après les épreuves qu’il a subies, après les agitations intérieures qui l’ont ébranlé jusque dans ses fondemens, les guerres qui l’ont épuisé d’émotions, de sang, de sacrifices de tous genres, notre pays, que trente années de paix n’ont pas suffi à rendre pleinement maître de lui-même, trouvera-t-il enfin, dans les nouvelles institutions politiques qu’il s’est données, la faculté de gouverner ses affaires du dehors ? Dieu qui protège la France, selon la vieille légende de nos pères, permettra, nous l’espérons, que ce résultat soit obtenu.

Toutefois il n’en faut pas moins compter avec les faits accomplis ; il n’en faut pas moins compter avec cette puissance nouvelle qui domine notre époque et qu’on appelle l’opinion publique. Voltaire n’a pas emporté dans la tombe cette doctrine que Razilly combattait en 1626 et qui se dressera plus d’une fois encore devant nous : qu’il n’est pas dans les destinées de la France d’être une puissance maritime. Cette doctrine, dont le temps démontrera l’erreur, a trouvé dans le temps même, il faut le reconnaître, un puissant auxiliaire. En effet, notre navigation commerciale a décru. De nos établissemens coloniaux, objet de la sollicitude si attentive de Colbert, il ne reste que des parcelles ; et, comme ces possessions ne constituent guère pour nous aujourd’hui que des charges, le temps n’est pas éloigné peut-être où nous entendrons proposer de consommer, en les abandonnant, un dernier sacrifice. Ce serait nous écarter du plan de cette étude que de nous arrêter à combattre cet entraînement