Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offertes déjà ; elles ne diffèrent pourtant de celles de la constitution de 1812 que par deux points importans, il est vrai, mais sur lesquels toute discussion serait inutile : l’union sous la même couronne, une armée commune.

En ce qui concerne l’union sous une même couronne, le principe est si complètement admis par toutes les puissances, et l’établissement de l’indépendance sicilienne présenterait, dans les circonstances actuelles, de telles difficultés, qu’il est évident qu’il n’y avait rien à tenter dans ce sens par voie de négociations, et que la force, cette raison suprême, pourrait seule prononcer. Quant à l’armée, si elle eût été sicilienne, le roi de Naples eût possédé la Sicile à peu près comme il possède Jérusalem, dont il porte aussi la couronne, nominalement. Il est remarquable d’ailleurs qu’un des griefs de la Sicile contre le roi a été qu’on ait tenté d’établir la conscription en Sicile et d’exiger un service militaire pour lequel jusqu’ici les Siciliens ont montré une grande répugnance. On doit observer aussi que quelques places seulement de l’île seront occupées par des troupes : Messine, Syracuse, Catane et Trapani, et que les médiateurs ont obtenu que Palerme, centre du gouvernement, restât sous la garde de la milice civique. Pour tout le reste, les conditions de l’édit de Gaëte sont aussi avantageuses que celles de la constitution de 1812, dont elles reproduisent les plus importantes dispositions. Cela est si évident, que, quand on pousse les Siciliens sur ce sujet, on reconnaît que c’est plutôt la forme du décret que le fond, qui le leur rend inacceptable.

Ce qui fera comprendre le tour d’esprit de ce peuple, dont les idées sont si différentes des nôtres, c’est l’opinion suivante qui s’est accréditée et répandue : — Il faudrait, a-t-on dit, tout accepter, si les puissances médiatrices voulaient faire une simple démonstration pour imposer les conditions offertes. — Il semblerait qu’une pareille prétention de la part des grandes puissances dût révolter l’amour-propre national ; la raison indique qu’il est plus honorable pour la Sicile d’examiner librement l’arrangement proposé et de traiter avec Naples sur une sorte de pied d’égalité. Ce n’est point ainsi que raisonnent les Siciliens, et les faiblesses siciliennes trouveraient leur compte à cette solution irrégulière et déraisonnable. Ainsi seraient satisfaits, et ce désir de ne point en venir aux mains qui existe certainement sous une apparence si guerrière, et la vanité nationale qui ne serait point blessée de se rendre aux menaces de deux grandes puissances comme la France et l’Angleterre, mais qui ne peut souffrir de paraître céder aux Napolitains, et enfin la passion de l’indépendance, qui, en subissant la force, conserverait intacte la prétention du droit. Ce dernier point a beaucoup d’importance dans l’esprit des Siciliens, et il faut reconnaître que c’est là certainement un des principaux mobiles de leur conduite. Ils assurent, malgré tous les démentis de l’histoire, qu’ils ont toujours formé un peuple à part, libre, jouissant d’institutions spéciales. Pour moi, il me semble que ce qu’ils appellent un droit est seulement une prétention que personne n’a jamais reconnue. En 1812, il est vrai, l’Angleterre a contribué à faire donner à la Sicile une constitution qui la séparait du royaume de Naples, alors possédé par les Français ; mais cette constitution n’a été, en quelque sorte, qu’un acte provisoire, dicté à l’Angleterre par des vues intéressées, et qu’elle n’a point cherché à soutenir à la paix de 1815. Aujourd’hui on ne peut plus se targuer de cette constitution qu’en ce qui concerne des dispositions politiques et administratives dont la date