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le spectre de 1820, et je me rappelais les désordres, les excès que, dans une autre révolution, avait commis la populace, maîtresse de Palerme. Dieu veuille que la Sicile ne revoie pas ces mauvais jours !

Pendant que la situation se dessine ainsi dans les rues, le gouvernement, entraîné, suit le flot qu’il a soulevé. Le ministre des affaires étrangères a déclaré que décidément il était obligé de faire savoir aux amiraux que le gouvernement ne pouvait pas proposer au parlement les conditions de l’édit de Gaëte dans la forme où elles étaient apportées. Cette déclaration, noyée dans de longues périphrases, a aigri les amiraux, convaincus que désormais tout arrangement est impossible. Ils ont répondu qu’ils avaient, de leur côté, le regret de penser que si cette résolution était définitive, il ne restait plus aux deux puissances qu’à dénoncer l’armistice, à se retirer, et à laisser les hostilités avoir leur cours. On a peine, de part et d’autre, à se dire le dernier mot, et l’on cherche les moyens de suspendre un dénoûment que tout le monde redoute. L’amiral Baudin a vu le prince Butera, et a insisté sur tout ce que présentait de peu sérieux l’argumentation chicanière par laquelle le gouvernement sicilien refuse de porter aux chambres l’acte de Gaëte et les pièces qui l’accompagnent. Il lui a dit que le devoir de ce gouvernement, dans une circonstance aussi grave pour la Sicile, était de négliger les formes pour aller au fond de la question, et de poser nettement au parlement ce grand dilemme, ou de la soumission aux conditions proposées, ou de la guerre. Il a ajouté que d’ailleurs, s’il y avait réellement quelque point par où l’acte de Gaëte dût être commenté et qui soulevât des objections, le gouvernement sicilien n’avait qu’à le faire connaître aux amiraux, qui examineraient et répondraient. Le prince avait promis d’abord de s’expliquer à cet égard et d’en écrire ; mais il s’est ravisé et a persisté dans ses premières objections. L’amiral Parker, de son côté, n’est pas resté inactif, et il a fait demander au ministre des explications sur cette déclaration « que le gouvernement sicilien ne pouvait présenter aux chambres les conditions de l’acte de Gaëte dans leur forme actuelle. » On a obtenu, pour réponse, qu’il était entendu par là que le gouvernement ne pouvait recevoir les conditions de l’acte de Gaëte comme une communication directe du roi de Naples, mais que, si ces conditions étaient proposées par les amiraux comme représentans des puissances médiatrices, on les porterait aussitôt au parlement.

Les amiraux, pour montrer leur désir de ne négliger aucune chance d’accommodement, se sont décidés à consulter sur cette prétention du gouvernement sicilien leurs ministres respectifs, et à leur demander si la communication des conditions de l’acte de Gaëte pouvait être faite directement par les puissances médiatrices. Tout en donnant aux Siciliens cette dernière marque de leurs dispositions conciliantes, les amiraux ont cependant dénoncé l’armistice à compter du 19, pour le cas où les ministres de France et d’Angleterre à Naples répondraient qu’on ne peut rien faire de plus que ce qui a été fait. Les deux parties auraient alors le droit de reprendre les hostilités le 29 mars. Le vapeur anglais l’Ardent part ce soir pour Naples avec ce dernier espoir de la médiation.

On peut, à ce qu’il semble, considérer dès à présent la partie comme perdue et la médiation comme ayant échoué. Triste conclusion d’efforts généreux et raisonnables ! On est pris de grande pitié, quand on pense à tous les maux qui