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décret du roi de Naples qui renferme les conditions accordées à la Sicile. Quel accueil fera-t-on à ces conditions ? Les dispositions des Palermitains ne font guère espérer une solution favorable. Bien que la noblesse et la classe moyenne, en s’organisant en garde nationale, aient constitué une force qui leur assure le pouvoir et qui a réussi à maintenir l’ordre, néanmoins elles ne sont pas complètement maîtresses de la situation. Les opinions exaltées, les clubs où elles s’élaborent et d’où elles sortent, rencontrent un puissant auxiliaire dans l’animadversion générale qui poursuit le roi de Naples et dans ce désir d’indépendance, désir plus passionné que raisonnable, qui anime tous les Siciliens. Le parti extrême dit que les conditions que l’on propose et que l’on connaît déjà par ouï-dire sont inacceptables. — Plutôt que de subir le joug du roi de Naples, crient les meneurs, il faut périr et s’ensevelir sous les ruines de Palerme. Il n’est point nécessaire de lire le décret de Ferdinand jusqu’au bout ; il suffit de savoir qu’il est signé Ferdinand. La Sicile a juré la déchéance des Bourbons et l’indépendance ; elle doit être fidèle à son serment. Elle peut perdre encore sa liberté et succomber les armes à la main ; elle ne veut pas, par une transaction, abandonner ses droits à l’indépendance. Ces droits, elle les revendique au nom de ses anciennes institutions et de la constitution de 1812, qui les a formellement stipulés. Elle est en état de vivre d’une existence séparée, et les Siciliens sont un peuple distinct de celui qui habite le reste de l’Italie. On peut lui refuser aujourd’hui un appui pour l’aider à établir cette indépendance ; mais la force ne prévaudra pas toujours sur la justice, et le jour viendra où le principe de sa nationalité, de son autonomie, triomphera. La Sicile ne doit rien sacrifier de ce droit ; depuis long-temps, elle souffre plutôt que de l’abandonner, elle saura souffrir encore.

En vain essaierait-on de ramener ces exaltés sur le terrain de la réalité en leur disant que ce droit à l’indépendance qu’ils prétendent avoir, jamais personne ne le leur a reconnu, et que cette indépendance n’est dans les intérêts d’aucune des puissances de l’Europe ; que, pour la leur assurer, il faudrait porter dans les relations des autres peuples un trouble dangereux ; que les intérêts ou les désirs d’un seul ne peuvent prévaloir contre les intérêts de tous dans une communauté ; que le fait de la réunion de la Sicile à la couronne de Naples est passé avec force de chose jugée dans le droit politique de l’Europe depuis 1815 ; que tout ce que l’Europe leur doit, c’est de leur faire obtenir des conditions d’existence meilleures que celles qui ont été le partage de la Sicile depuis trente ans ; qu’aujourd’hui il s’agit pour eux de choisir, ou des conditions honorables garanties par la France et l’Angleterre, ou les hasards d’une guerre dont les chances sont contre la Sicile, et dans laquelle ils ont débuté par une défaite qui a donné pied à l’ennemi sur leur territoire. Quand la question est posée aussi catégoriquement, les exaltés difficile la déplacent, parlent de leur histoire du temps des Grecs et des Normands, du triomphe probable des nationalités, de l’impossibilité d’un abandon de la part de l’Angleterre et de la France, liées à la cause sicilienne, l’une par intérêt, l’autre par principes ; ils font valoir les forces que la Sicile a acquises depuis huit mois et celles qu’elle peut acquérir encore, enfin le courage sicilien et l’enthousiasme général qui anime le pays.

Le gouvernement, c’est-à-dire le ministère et le parlement, ne paraît pas as-