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Ses doux chagrins, ses gaietés folles,
Tout Venise vit dans cet air.

Une frêle corde qui vibre
Pour l’œil de l’ame a rebâti,
Comme autrefois joyeuse et libre,
La ville de Canaletti !


III


CARNAVAL


Venise pour le bal s’habille.
De paillettes tout étoilé
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d’une note fantasque
Cassandre, son souffre-douleurs.

Battant de l’aile avec sa manche,
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l’œil.

Le Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés ;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.

Heurtant Trivelin, qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine Scaramouche
Rend son éventail ou son gant.

Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu’un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.

Ah ! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m’a dit : C’est elle !
Malgré tes réseaux, j’en suis sûr.

Et j’ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l’affreux profil de carton,