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Le glapissent de leurs voix tristes
Aux tables des cafés chantans.

Paganini, le fantastique,
Un soir, comme avec un crochet,
A ramassé le thème antique
Du bout de son divin archet,

Et, brodant la gaze fanée
Que l’oripeau rougit encor,
Fait sur la phrase dédaignée
Courir ses arabesques d’or.


II


SUR LES LAGUNES


Tra la, tra la, la, la, la laire !
Qui ne connaît pas ce motif ?
A nos mamans il a su plaire,
Tendre et gai, moqueur et plaintif :

L’air du carnaval de Venise,
Sur les canaux jadis chanté,
Et qu’un soupir de folle brise
Dans le ballet a transporté !

Il me semble, quand on le joue,
Voir glisser dans son bleu sillon
Une gondole avec sa proue,
Faite en manche de violon.

Sur une gamme chromatique,
Le sein de perles ruisselant,
La Vénus de l’Adriatique
Sort de l’eau son corps rose et blanc.

Les dômes sur l’azur des ondes,
Suivant la phrase au pur contour,
S’enflent comme des gorges rondes
Que soulève un soupir d’amour.

L’esquif aborde et me dépose,
Jetant son amarre au pilier,
Devant une façade rose,
Sur le marbre d’un escalier.

Avec ses palais, ses gondoles,
Ses mascarades sur la mer,