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à relever la royauté. C’est un stupide mensonge. Dans les partis que les révolutionnaires appellent monarchiens, il n’y a pas un homme sensé ou honnête qui voulût aujourd’hui changer la forme du gouvernement et renverser la république. En disant cela, je n’entends pas rendre le moindre hommage à la faction qui croit avoir imposé la république à la France ; personne ne méprise plus que moi son incapacité, son ignorance, son immoralité, son hypocrisie. Je n’entends pas davantage attribuer à la forme républicaine une souveraine vertu. Je veux dire seulement qu’aucun homme politique, quelles qu’aient été ses opinions avant le 24 février, ne peut croire qu’il suffise d’appeler la France monarchie au lieu de l’appeler république, de mettre un mot à la place d’un mot, pour sauver la société. Je repousse les anciennes préoccupations des partis, parce qu’elles n’auraient d’autre effet que de distraire la France de l’œuvre qu’elle doit accomplir sur elle-même et d’égarer encore son activité à la poursuite de vains fantômes. Il ne peut pas être question aujourd’hui de royauté ou d’empire, de légitimistes, d’orléanistes ou de bonapartistes. Tous les partis successivement se sont essayés depuis soixante ans à commencer la construction de l’édifice politique par les combles ; qu’ils se réunissent enfin une fois pour la commencer par les fondemens. Il s’agit aujourd’hui de faire sortir nos institutions des entrailles mêmes de la société. Le jour seulement où nous aurons élevé sur une base puissante le monument dont nous ignorons encore les proportions, nous saurons par quel couronnement harmonieux et solide il faut l’achever. Si alors les institutions issues de la France régénérée appellent la forme républicaine, qui oserait s’en plaindre et qui pourrait l’empêcher ? En attendant, tous les honnêtes gens doivent se serrer autour du gouvernement actuel, de peur, comme l’écrivait à Cicéron son gendre Dolabella, qu’en nous perdant à la poursuite des vieilles formes politiques, nous ne finissions par tomber dans le néant : Reliquum est, ubi nunc et respublica, ibi simus potius quam, dum illam veterem sequamur, simus in nulla.


III

Je vais rapidement examiner la situation économique, morale et politique de la société française.

La constitution économique d’un peuple comprend l’organisation de ses moyens d’existence matérielle ; elle est identique à sa constitution sociale. Si l’on se représente une nation comme un atelier gigantesque, sa constitution sociale indique la manière dont le travail, les profits du travail et les moyens d’existence y sont divisés, distribués, assurés entre les citoyens. Prenons un exemple : l’Angleterre. La constitution