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ce siècle où l’univers n’était plus considéré que comme l’œuvre d’un tailleur et d’un tapissier, et où les hommes n’étaient plus que des masques grimaçant et se faisant des signes les uns aux autres, — soudain voilà que la terre s’entr’ouvre, et qu’au milieu de l’éclat d’une lueur terrible et des fumées du Tartare, le sans-culottisme aux têtes multiples, respirant le feu, sort et demande : « Que pensez-vous de moi ? » Alors les masques peuvent bien tressaillir et s’assembler, frappés de terreur, et se concerter et se former en groupes. Amis, c’est là, en vérité, une chose fatale et singulière. Que celui qui n’est qu’un fantôme regarde ce fait ; mal lui en adviendra ; ici-bas il ne pourra rester davantage, il nous semble. Malheur aussi à celui qui n’est pas entièrement un fantôme, mais qui est en partie un homme et une réalité ! L’âge des miracles est revenu, contemplez ! Un monde pareil au phénix, qui meurt pour renaître, qui meurt dans une mort de flammes, qui renaîtra dans une naissance de flammes ! Ses ailes qui battent aux souffrances de l’agonie s’étendent dans toute leur largeur ; son chant de mort, c’est le bruit des villes qui croulent et des canons des champs de bataille ; la flamme du bûcher funèbre s’élève jusqu’au ciel, enveloppant toutes choses : cette révolution française, c’est le berceau et la tombe d’un monde. »


Ainsi donc la révolution française, c’est l’anarchie, et rien de plus. Écoutez encore ces quelques lignes qui ouvrent le récit des orages de la convention : « Les vieux ornemens et les vieux vêtemens sociaux, devenus presque des haillons, sont maintenant dépouillés et sont foulés sous les pieds de la danse nationale. Et maintenant où sont les nouveaux habits, les nouvelles mœurs et les nouvelles règles ? Liberté, égalité, fraternité, ce ne sont pis des vêtemens, mais le souhait qui les appelle. Pour parler par figures, la nation est maintenant toute nue ; c’est une sans-culottique nation, elle n’a ni habit, ni règle. » Ne criez pas, ne souriez pas, et si par hasard vous ouvrez ce livre remarquable, n’y cherchez pas seulement un plaisir littéraire, et ne le posez pas en disant : Oui, c’est un livre original. Il y a autre chose en question que l’originalité de l’écrivain. Pour nous, nous affirmons que ce livre contient la seule explication véritable de la révolution française que nous ayons encore rencontrée ; cette explication est la plus générale et la plus impartiale ; elle est la seule qui renferme ces six terribles années qui s’étendent du 4 mai 89 au 13 vendémiaire, la seule qui ne s’arrête pas à telle ou telle période, à telle ou telle figure historique. Est-ce que vous n’êtes pas fatigués, comme nous, des théories sur la révolution française ? Est-ce que vous ne distinguez pas maintenant que c’est un phénomène transcendantal, comme dit Carlyle, dépassant toute règle et toute expérience ? Vous qui, dans votre conviction, fermiez notre histoire révolutionnaire à la constitution de 91, et acceptiez tout le reste simplement comme une fatalité, que reste-t-il aujourd’hui de votre croyance ? Et vous qui alliez plus loin, et qui la fermiez au 10 août, les événemens que nous avons eus depuis un an sous les yeux vous ont peut-être guéris ? Cela est, hélas ! l’histoire de tous les partis, qui scindent