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LES ÉTATS D’ORLÉANS.

plus, et allons au fait. Vous avez reçu des avertissemens, je le veux bien ; vous vous êtes mis sur vos gardes, c’est à merveille. Était-ce une raison pour manquer, comme vous le faites, à tout ce qui a été résolu et promis à Fontainebleau ?

LE DUC DE GUISE.

Comment l’entendez-vous, madame ?

LA REINE-MÈRE.

J’entends, monsieur le duc, qu’en assemblant les états, en ressuscitant ce vieil usage si long-temps aboli, on s’était proposé quelque chose apparemment. N’avait-on pas voulu ramener le calme dans les esprits, fermer la bouche aux mécontens ? Ne pensait-on pas que pour MM. de Bourbon ce serait une occasion de dissiper certains soupçons dont je suis émue, je vous jure, autant que qui que ce soit ; qu’après s’être lavés et justifiés, ils pourraient obtenir quelque satisfaction légitime ; que leur soumission couperait court aux factions, et que ce pauvre royaume commencerait à respirer ? N’est-ce pas là ce qu’on avait entendu ? N’est-ce pas dans cette pensée que furent dictées les deux lettres du roi à ses cousins ?

LE DUC DE GUISE.

Je le reconnais, madame.

LA REINE-MÈRE.

Eh bien ! messieurs, vous avez changé tout cela. Au lieu du calme, vous semez l’épouvante. Au lieu d’attirer les princes au pied du trône, vous faites ce qu’il faut pour les en éloigner. Comment voulez-vous qu’ils viennent maintenant ? Vous tendront-ils la main ? Vous leur montrez des griffes.

LE CARDINAL DE LORRAINE, riant.

Sommes-nous donc si diables ?

LA REINE-MÈRE.

Je parle de vos lansquenets, monsieur le cardinal.

LE DUC DE GUISE.

En vérité, madame, si MM. de Bourbon ne viennent pas aux états, s’ils perdent cette occasion de se blanchir, je les plains ; ils sont mal conseillés. D’où viendraient leurs alarmes ? Parce qu’il y aura sûreté pour le roi dans cette ville, n’y en aura-t-il plus pour eux ? Est-ce contre eux que nos précautions sont prises ? Qu’y a-t-il de commun entre eux et les brouillons qui agitent ce royaume ? Ce n’est pas, croyez-moi, pour le plaisir de leur faire peur que nous nous sommes armés ; c’est contre des dangers trop réels. La reine a beau dire qu’elle ne veut rien savoir, il faut lui dire quels genres d’avertissemens nous ont fait ouvrir les yeux. Pour ne parler que des deux frères Maligny,