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REVUE DES DEUX MONDES.

pris quand on croit prendre, connaissez-vous plus sot métier ? Rappelons-nous quelle figure nous faisions, il y a deux mois, quand, du haut de ce perron, nous vîmes débusquer le connétable à la tête de cette longue file de gentilshommes suivis d’un millier de chevaux ! Où en serions-nous à cette heure, si, au lieu de s’arrêter en route, nos deux princes s’en fussent venus comme le connétable et accompagnés comme lui ? La leçon a été bonne, mon frère.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Parce que nous avions fait une faute, est-il besoin d’en faire une autre ? Emmenez à Orléans quelques milliers d’hommes bien dévoués, et disposez le reste de façon qu’au moindre signe vous l’ayez dans la main, n’est-ce pas tout ce qu’il vous faut ?… Voyons, François, puis-je y compter ? Est-ce convenu ?

LE DUC DE GUISE.

Soit ; nous vous verrons à l’œuvre. Mais, si je vous aide, c’est à une condition.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Laquelle ?

LE DUC DE GUISE.

Je ne veux pas d’un procès pour rire.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Ni moi non plus, je vous jure.

LE DUC DE GUISE.

Pas de comédie comme à Amboise.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

À Amboise, avions-nous cette arme dans la main ?

(Il désigne le papier encore humide.)
LE DUC DE GUISE.

Songez-y bien, mon cher Charles, l’affaire où nous nous engageons, guerre ou procès, n’importe, c’est la plus rude partie qui se puisse jouer. Ou n’y entrons pas, ou, pour Dieu ! ne bronchons pas en route.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Douteriez-vous de moi ? Parlez-vous sérieusement ?

LE DUC DE GUISE.

Je parle en homme qui plus d’une fois, cher frère, vous a vu renoncer lestement aux projets que nous devions défendre, soutenir ceux que nous voulions repousser…

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Toujours ces maudits états qui vous reviennent sur le cœur !

LE DUC DE GUISE.

Non, non, ne parlons plus des états ; mais l’amiral en Normandie, les