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tous échoué, il est temps que le reste de l’Allemagne sache renoncer à l’Autriche, qu’elle ne peut plus embrasser, pour faire, ainsi réduite, un corps solide et compacte. Ceux qui ont prophétisé dès l’abord la séparation d’avec l’Autriche peuvent s’en vanter aujourd’hui ; mais il n’est pas non plus défendu de se vanter de n’avoir pas dès l’abord désespéré de l’unité allemande. Les amis de l’impérialisme prussien ont du moins ainsi le droit de se féliciter que la rupture ne soit pas venue d’une décision trop hâtive de l’assemblée, et la couronne de Prusse évite une tache dont elle ne se serait point lavée. Le temps presse, les circonstances exigent une décision rapide et énergique, les intrigues des cabinets amoncellent sur nous les plus grands périls. La patrie est en danger, sauvons la patrie.

Ce fut sur ce texte et dans cette émotion que s’ouvrit à Francfort un débat qui n’a été clos que le 21 mars. De nouvelles notes autrichiennes avaient inutilement proposé la création d’un directoire de sept princes au lieu et place d’un empereur unique. Inutilement aussi, une note prussienne avait assez publiquement adopté cette base de transaction. L’assemblée de Francfort poursuivit avec vivacité l’idée de M. Welcker, et le ministère l’accepta par l’organe de M. de Gagern, comme l’expression fidèle de sa propre politique. M. de Gagern développa, dans son discours, la triste situation de l’empire factice dont il a guidé les destinées si précaires avec un talent et un patriotisme dignes d’une meilleure fortune. C’était pour lui, disait-il, une tâche bien douloureuse de montrer les plaies de ce jeune état dont il avait pris le soin avec tant d’espoir ; mais il le fallait, s’il voulait prouver combien il était nécessaire de finir au plus tôt la constitution en nommant tout de suite un chef définitif. Il n’entendait pas rompre absolument avec l’Autriche, il lui souhaitait une force réelle pour l’intérêt même de l’Allemagne ; mais il sentait que, d’ici à long-temps, l’Allemagne ne pouvait plus être intimement unie à l’Autriche. Restait la Prusse, qui, par ses variétés de races, d’intérêts et de confessions, était déjà, à elle seule, une petite Allemagne. Ce n’était pas à la Prusse de se fondre dans le corps allemand, la Prusse étant, au contraire, par elle-même un fort noyau, une solide citadelle autour de laquelle l’Allemagne pouvait se grouper. L’Allemagne irait donc tenir à Berlin ses états-généraux. — Ce discours, fait à l’adresse du parti prussien dont M. de Gagern a été le chef et l’initiateur, rompait droit au nom du gouvernement central avec tout le parti autrichien. Les députés nommés par les états allemands de l’Autriche au début du parlement de Francfort n’ont pas quitté leurs sièges, malgré les événemens qui ont de plus en plus séparé Francfort de l’Autriche. La récente constitution n’admet aucune relation intime entre l’Autriche et le reste de l’Allemagne ; elle régit dès à présent tous les sujets autrichiens, et néanmoins elle n’a pas même eu pour effet de rappeler les députés qui délibèrent à Francfort sur la future constitution germanique. Il ne déplaît pas sans doute au cabinet d’Olmütz d’entraver ainsi les projets d’unité allemande par les votes de ses nationaux, tout en se déclarant d’avance en dehors de cette unité. Aussi ce cabinet n’a-t-il pas consenti à recevoir la démission que lui offrait son plénipotentiaire à Francfort, M. de Schmerling, et il le maintient malgré lui dans une position anormale auprès d’un pouvoir dont il affecte de contester la prolongation. De leur côté, les députés des états allemands d’Autriche, considérant les progrès des Slaves dans leur propre patrie et craignant l’abaissement dont ils sont me-