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sources de la France s’étaient vite resserrées sous la menace d’une république violente. Les éphémérides républicaines de M. de Lasteyrie étaient fort instructives ; on l’a pour la peine appelé royaliste, et il le méritait bien, car il avait ainsi endommagé les gloires rétrospectives dont les financiers de la veille cherchaient encore à parer leur déclin, dans l’espoir peut-être de se présenter avec quelques rayons devant leurs électeurs : les auréoles sont à si bon marché avec le suffrage universel !

Quoi qu’il en soit de ces réminiscences d’autrefois, nous n’avons aucun plaisir à nous y bercer, et ce ne sont pas d’agréables rêves ; nous aimons mieux vivre des consolations que nous fournit le présent, selon les assurances formelles de M. Passy. M. Passy a voulu probablement aller à l’encontre des économies exagérées qui prétendraient le rendre plus riche qu’il n’a besoin de l’être. Il a signalé un retour des affaires qui s’annoncerait à des signes incontestables, une augmentation certaine dans la rentrée des impôts indirects, augmentation qui serait de près de 2 millions, rien que pour la première quinzaine de mars. Ce progrès naturel des choses, cette meilleure situation découlant tout de suite dans l’ordre matériel des améliorations introduites dans l’ordre moral de la société, ne peuvent manquer de fortifier encore davantage la confiance publique en lui donnant la preuve du bon effet des mesures qui l’ont provoquée. M. Mathieu (de la Drôme) demanderait beaucoup plus pour opérer le soulagement du pays ; il ne lui faudrait pas moins que trois conditions d’absolue nécessité : supprimer tout impôt sur le sel, tout impôt sur les boissons, et restituer les 45 centimes. Sous le bénéfice de ces trois clauses, et en ôtant seulement cent mille hommes à l’armée (ceci n’est pas qu’accessoire), M. Mathieu (de la Drôme) nous garantirait une prospérité sans pareille, un vrai commencement des bonheurs de la république sociale : tel est le budget de la montagne, c’est à prendre ou à laisser. Laissons-le ! Remercions aussi M. Pierre Leroux de ses excellentes intentions. Il est d’avis de rembourser en papier le sixième des rentes ; ce serait toujours un petit acheminement aux assignats. Mieux vaut attendre plus long-temps la renaissance spontanée du crédit que de le forcer ainsi par ces moyens artificiels qui n’aboutissent qu’à le ruiner tout-à-fait. Si tout le monde était sûr que la philosophie de M. Pierre Leroux ne peut pas devenir un jour, par quelque coup de main, la politique de l’état, M. Pierre Leroux n’aurait plus même à proposer ses remèdes : son malade se porterait bien, la vraie souffrance qu’il éprouve étant l’appréhension d’être traité par lui.

Le budget des travaux publics a passé le premier au laminoir : c’est un hommage à rendre à M. Stourm, que ce budget est sorti bien réduit de ses mains. L’hommage lui sera-t-il très favorable dans l’opinion du pays ? Nous ne le croyons guère. La source la plus féconde dont l’état dispose pour alimenter la population ouvrière, c’est toujours la distribution des travaux publics. Nous n’avons donc pas été médiocrement étonnés de voir les plus ardens défenseurs du droit au travail retrancher avec la même ardeur les millions qui devaient procurer à tant d’indigens un pain honorable. Il est à penser qu’ils se seront beaucoup moins souciés d’être conséquens que de chagriner l’administration, en jetant le trouble dans les services. Ils se sont rangés en bataillon serré derrière le zèle économe et l’habileté pressante de M. Stourm. Les rares défenseurs du budget normal, et en particulier M. Napoléon Daru, qui a servi cette cause avec beaucoup de talent, n’ont rien ou presque rien gagné sur le système général de ré-