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II. – RÉVOLUTIONS DE FLORENCE ET DE ROME.

C’est par la Toscane qu’on commença. Les radicaux avaient jeté leur dévolu sur cette portion de l’Italie. Ils avaient décidé d’en faire leur base d’opérations pour républicaniser le reste de la péninsule. Ils avaient bien raison. Bien que la Toscane soit le pays le moins propre au régime républicain et qu’une tentative de réforme des institutions fondamentales y fût un non-sens, puisque, depuis plus de quatre-vingts ans, le principe démocratique y a été introduit et appliqué dans toute sa largeur, la jeune Italie y devait avoir beau jeu. Dans cette douce contrée, où chacun laisse faire et ne songe qu’à éviter la lutte, l’avantage devait rester à la première volonté obstinée qui se rencontrerait. Il s’en trouva une dans la personne de M. Guerrazzi. M. Guerrazzi est un avocat qui, depuis une année, n’avait d’autre occupation que d’ameuter la populace de Livourne et de terrifier à tout propos le gouvernement du grand-duc par des manifestations soi-disant nationales dont nous pouvons apprécier la force, nous qui savons comment s’organisent les manifestations ; mais à Florence on n’osait guère regarder en face cet épouvantail. Livourne était considéré comme un vrai volcan, et M. Guerrazzi comme un homme indomptable. Une seule fois cependant l’avocat exalté trouva son maître. Un des ministres du grand-duc, le comte Serristori, ancien soldat de l’empire, pensa que le monstre n’était peut-être pas si terrible de près que de loin. Il alla droit à lui avec quelques compagnies de soldats, balaya les rues de Livourne, saisit M. Guerrazzi avec quelques autres boute-feux et les envoya immédiatement dans les casemates de Porto-Ferrajo. Par malheur, tous les ministres toscans n’avaient pas la même décision que M. Serristori, et quand le gouvernement du grand-duc s’est retrouvé en face de M. Guerrazzi, il n’a pas su imiter ce salutaire exemple.

Il est douteux cependant que M. Guerrazzi, assisté de ses Livournais, eût réussi, ainsi qu’il est arrivé, à se faire accepter pour ministre par le faible Léopold. Il eut le bonheur de trouver un auxiliaire précieux dans M. Montanelli. Nous avons eu souvent occasion de parler de M. Montanelli. Ce jeune professeur de l’université de Pise, catholique et patriote ardent, eût mieux fait, pour sa gloire, de rester sur le champ de bataille de Curtatone, où il s’était conduit en héros et tomba grièvement blessé aux mains des Autrichiens. Il eût emporté avec lui une renommée sans tache et les regrets unanimes de tous ses compatriotes, qui l’aimaient pour ses qualités personnelles autant qu’ils l’estimaient pour son talent. M. Montanelli, pour s’en convaincre, n’a qu’à relire les oraisons funèbres qui parurent dans tous les journaux, après que le bruit de sa mort se fut accrédité. Malheureusement pour lui il en réchappa, et, rendu à la liberté, après une courte captivité à l’hôpital militaire de Mantoue, il revint en Toscane, où la courageuse conduite qu’il avait tenue accrut encore le prestige dont l’entourait auparavant son éloquence. Flatté des ovations dont il était l’objet, M. Montanelli fit des harangues sur la grande place de Livourne ; il eut un grand succès de rhétorique, de jeunesse et d’enthousiasme, et en considération de sa popularité le gouvernement ne crut pouvoir mieux faire que de le nommer gouverneur de cette cité embarrassante. On espérait que ce choix serait agréable aux Livournais, et l’on se confiait en même temps à l’honnêteté de M. Montanelli. Nous