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l’empire allemand. Ainsi, quelques états resteront en dehors de l’empire, et la constitution ; a l’air de s’en accommoder. L’Autriche ne peut pas faire partie de l’empire ; la Bavière ne le veut pas. L’Allemagne se trouvera donc plus que jamais séparée en deux parties, celle du nord et celle du midi ; mais celle du nord formera un tout compacte sous la domination de la Prusse, et le plan que quelques publicistes ombrageux attribuaient fort mal à propos à MM. de Gagern et Welker, quand ils offraient à la Prusse la couronne impériale, celui de faire, comme on le disait, une grande Prusse au lieu d’une grande Allemagne, ce plan est en train de s’accomplir ; car, dans son projet de constitution, la Prusse a la présidence du collége de princes que dirige l’empire. En voyant cette grandeur prochaine de la Prusse, le vieil esprit de l’Autriche semble s’être réveillé dans l’archiduc Jean. La Prusse semblait avoir en vue de substituer partout une idée ou un pouvoir prussien aux idées et aux pouvoirs germaniques de Francfort. Ainsi, à la place de la constitution de Francfort, sa constitution datée de Berlin ; elle voulait de même que l’archiduc Jean résignât ses pouvoirs entre les mains du gouvernement prussien. L’archiduc a résisté ; mais qu’est-ce que le pouvoir central que voudrait encore représenter l’archiduc Jean ? L’assemblée dont émanait ce pouvoir central est partagée en deux moitiés, dont l’une est à Stuttgard et l’autre à Gotha, l’une au midi et l’autre au nord, avec une plus grande distance encore entre les opinions qu’entre les lieux. La résistance de l’archiduc Jean ne nous étonne pas de la part d’un petit-fils de Marie-Thérèse ; cependant ce n’est point cette résistance qui empêchera le succès de la politique prussienne l’obstacle véritable est en Autriche et en Bavière, et la vieille lutte entre l’Allemagne du nord et l’Allemagne du midi est encore prête à recommencer.

Dans cette lutte, que ferons-nous ? Quelle sera, quelle doit être la politique de la France à l’égard de la Prusse ?

La Prusse a toujours été la puissance libérale de l’Allemagne, et, à ce titre, elle a toujours été l’alliée de la France. Nous savons bien que, selon les maximes de l’ancienne politique dont nous sommes loin de faire fi, le principal mérite de la Prusse aux yeux de la France, c’était de faire contre-poids à l’Autriche. Devons-nous encore avoir la même politique, si la Prusse devient plus puissante et si le contre-poids arrive à la prépondérance ? Il y a ici quelques remarques à faire.

D’abord nous ne devons pas craindre l’unité de l’Allemagne. Si cette unité doit rendre l’Allemagne plus puissante, félicitons-nous que le mur qui nous sépare de la Russie s’épaississe et s’affermisse. Mais cette unité ne peut être qu’une unité morale, civile, commerciale et monétaire ; aussitôt qu’elle a voulu devenir une unité politique, l’œuvre a échoué. Nous n’avons donc rien à craindre de toutes les sortes d’unité qui sont possibles en Allemagne, et quant à l’unité politique, elle pourrait nous être dangereuse ; mais elle est impossible. L’expérience de Francfort l’a prouvé.

Nous n’avons donc aucune objection contre l’empire et contre la constitution germaniques que propose la Prusse ; mais nous ne souhaitons pas que cela aille plus loin. Dans le cercle tracé, nous voyons avec plaisir la Prusse redevenir le noyau du libéralisme allemand et lui prêter la force matérielle, en recevant de lui la force morale. Au moment où le libéralisme allait succomber pour s’être