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L’assemblée nationale allemande quitte Francfort et va chercher à Stuttgard un séjour qui lui soit plus favorable ou plus sûr. Nos vœux ne la suivent pas dans cette expédition, car c’en est une. Encore une assemblée qui ne sait pas mourir !

L’assemblée nationale allemande va à Stuttgard, parce que le Wurtemberg a reconnu la constitution allemande ; mais il y a un motif plus puissant qui l’appelle à Stuttgard : elle espère y trouver de plus près l’appui de l’Allemagne révolutionnaire. L’assemblée a commencé par être la diète populaire de l’Allemagne. Elle a gardé pendant quelque temps la mission que lui donnait ce titre. Ce n’est que dans ses derniers jours qu’elle est devenue un club, et elle mourra comme un club. Elle partagera le sort de la démagogie de Bade et du Palatinat. Nous lui souhaitions une meilleure fin.

Trois pensées ou trois partis différens ont été en face l’un de l’autre dans les dernières scènes du drame de Francfort : 1° la pensée du parti modéré : cette pensée a cherché encore à se faire jour ; mais elle a été vaincue par les événemens et elle s’est effacée chaque jour davantage dans l’assemblée devant l’impossibilité d’accomplir son œuvre ; 2° la pensée du parti violent : le parti violent n’a pas renoncé à l’unité de l’Allemagne, mais il ne comprend cette unité que sous la forme républicaine, et, pour l’avènement de la république, il ne compte que sur la violence : de là les insurrections de Dresde, de Carlsruhe et du Palatinat ; 3° enfin, la pensée de la Prusse, qui rompt ouvertement avec l’assemblée de Francfort et ne veut tenir de cette assemblée ni son droit à la couronne impériale, ni la constitution de l’Allemagne, mais qui ne rompt pas complètement avec le parti modéré, avec le libéralisme allemand. Aussi a-t-elle rédigé un projet de constitution fédérative pour l’Allemagne. Elle ne renonce pas davantage à la direction de la fédération, non plus sous le titre d’empereur, mais sous un titre plus modeste, tirant au moins cet avantage de l’élection impériale du 28 mars, à Francfort, de pouvoir se désigner comme la directrice de la nouvelle fédération germanique. La politique prussienne peut servir de point de ralliement au parti modéré en Allemagne. Le parti modéré à Francfort n’aura pas réussi dans ses plans chimériques ; mais le parti modéré de Francfort n’est qu’une fraction du parti libéral allemand, et si, dans les nouvelles combinaisons qui se préparent sous l’influence de la Prusse, le parti libéral fait prévaloir les pensées d’ordre et de liberté qui lui sont chères, nous ne prendrons pas l’échec de Francfort pour la défaite du libéralisme allemand ; nous ne croirons pas l’Allemagne vaincue et asservie, et nous nous en féliciterons hautement, car la France a besoin, pour son indépendance, que l’Allemagne soit libre et indépendante.

Les événemens que j’ai à indiquer se rattacheront aisément à ces trois pensées principales : la pensée du parti modéré à Francfort, la pensée du parti violent, la pensée de la Prusse.

L’histoire du parti modéré dans les derniers jours de Francfort est courte et terne. Nous rendons volontiers cette justice au parti modéré de Francfort qu’il a toujours voulu l’unité de l’Allemagne et qu’il n’a voulu que cela. Malheureusement il l’a voulu sous la forme la plus chimérique ; il l’a voulu comme on veut dans un livre, au lieu de vouloir comme on veut dans une assemblée politique,