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arrivé à reconnaître la république romaine et M. Mazzini, à faire alliance avec le triumvirat romain, à signer enfin la déchéance du pape, c’est-à-dire à faire le contraire de ce que nous avions voulu faire. M. le général Oudinot s’était trompé, selon l’assemblée constituante, en faisant trop la guerre. M. Lesseps se trompait mille fois plus en faisant trop la paix. Ceci indique combien la marche à tenir dans notre expédition était délicate. Elle était même, à vouloir garder tous ces ménagemens, elle était si délicate, qu’elle était impossible. Quand on met un général d’armée et un négociateur à cheval sur une lame de rasoir, il n’est pas extraordinaire qu’ils s’y blessent tous les deux ; seulement l’un se blesse à droite, et l’autre à gauche, Mais cette difficulté des opérations militaires et des négociations diplomatiques en Italie, à quoi tenait-elle ? Ne l’oublions pas : à l’ordre du jour énigmatique du 7 mai. Dans sa mauvaise humeur, l’assemblée constituante avait donné pour instruction au ministère un logogriphe. Il n’était pas tenu de le deviner. Il n’était tenu qu’à la première pensée : offrir aux Romains une transaction, et la leur imposer par la force, s’ils ne l’acceptaient pas. C’est à ce parti que le ministère s’est fixé ; c’est le bon, et nous disons de plus, avec le manifeste du président, que c’est le seul que l’honneur nous conseille.

Après avoir expliqué l’intérêt de la France en Italie et le but de notre expédition à Rome, le message du président indique la gravité des complications qui s’agitent en Allemagne.

Nous avons la même politique au dehors qu’au dedans. Nous croyons hardiment que les affaires du monde ne peuvent être faites que par les modérés. C’est du royaume des cieux qu’il a été dit : Violenti rapiunt illud ; ce n’est pas du royaume de la terre. Les violens ici-bas n’ont que des instans et des minutes de puissance ; les modérés seuls ont de longs règnes. Avec cette conviction, nous cherchons en ce moment même, où la violence semble partout prévaloir en Europe, où les extrêmes seuls semblent possibles, nous cherchons dans chaque pays les chances qui restent à la politique modérée, les chances qui restent à un régime qui ne soit ni l’extrême liberté ni l’extrême despotisme ; car ces deux régimes extrêmes nous semblent également éphémères, également funestes à la société, qu’ils ébranlent par leur avènement comme par leur chute. Voyons donc quelles chances restent en Allemagne à la politique modérée, et essayons de les discerner à travers le tumulte des événemens de Dresde, de Bade et de Francfort.

Nous rattachons avec empressement nos réflexions sur la politique intérieure et extérieure au message du président, parce que ce document témoigne d’un sens ferme et droit, d’un caractère calme et élevé qui raffermit la pensée et la conscience publique à travers l’incertitude des opinions et l’instabilité des événemens, qui sont le grand mal de notre temps. Il nous rend ce que nous risquons le plus de perdre de nos jours, l’espérance et la conviction. Nous ferons même de ce message cet éloge qui paraîtra étrange au premier abord, c’est qu’il croit et fait croire que la diplomatie et la philanthropie sont encore deux choses possibles en France. Il faut expliquer ce que nous voulons dire par ces deux mots.

Nous appelons diplomatie l’action que la France peut encore exercer en Europe. Les étrangers ne comptent qu’avec les pays auxquels la tranquillité inté-