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nables, il y aurait toujours des révoltes dans les états romains, et s’il y avait toujours des révoltes, l’occupation autrichienne deviendrait permanente. Il fallait donc, pour que les états romains fussent indépendans, que l’administration y fût réformée.

Tel fut le but des négociations engagées à Rome, avec beaucoup d’habileté, par M. Sainte-Aulaire, et de l’expédition d’Ancône. Les négociations visaient aux réformes libérales ; l’expédition d’Ancône compensait l’occupation autrichienne. La France enfin, au lieu d’abandonner l’Italie à ses destinées malheureuses, la France en prenait souci ; elle voulait à Rome une administration libérale et un prince indépendant. Elle négociait pour obtenir l’administration libérale ; elle armait pour soutenir l’indépendance du prince. À l’influence autrichienne elle opposait l’influence française, au principe despotique elle opposait le principe libéral de la révolution de juillet.

La politique de la France en 1849 n’est-elle pas la même qu’en 1832 ? N’a-t-elle pas le même but ? N’y a-t-il pas encore aujourd’hui dans les états romains une question d’indépendance et une question de liberté, l’Autriche à contenir, l’administration romaine à libéraliser ?

Les circonstances sont plus graves aujourd’hui qu’en 1832. Ce n’est pas Bologne qui a déclaré la déchéance temporelle du pape ; c’est Rome elle-même. Rome a poussé la sécularisation jusqu’à la république, c’est-à-dire qu’au lieu d’introduire l’élément laïque dans le gouvernement pontifical, Rome a exclu le pontife suprême lui-même du gouvernement. Nous consentons à laisser de côté, pour le moment, la question de la souveraineté temporelle du pape et de son utilité politique dans l’état de l’église catholique ; nous ne cherchons pas s’il peut y avoir à la fois à Rome une république et le pape ; nous nous demandons seulement s’il peut y avoir à Rome une république, puisque Rome est en Italie, puisque l’Autriche est encore aujourd’hui une puissance italienne, puisque Naples est une monarchie. Or, nous n’hésitons pas à croire, quelle que soit maintenant la résistance momentanée de la république romaine, que Rome ne peut pas être républicaine, parce qu’elle est Italienne. Or, si la république doit être écrasée en Italie par l’Autriche, ne faut-il pas chercher à sauver la liberté des ruines de la république ? Ne sont-ce pas deux choses séparées ? La liberté peut exister sous une autre forme que celle de la république. Et, d’un autre côté, parce que la géographie ne permet pas que la république soit possible à Rome, faut-il que le despotisme seul y soit possible ? Le monde tout entier semble enfermé en ce moment dans ce terrible dilemme que posent les passions extrêmes la république violente ou le despotisme. Ce dilemme est affreux. Il nous déplait partout, et nous n’en voulons pas plus à Rome qu’ailleurs. À Rome surtout et en Italie, il y a pour l’influence de la France ce danger, que le despotisme ne s’y appelle pas le pape ou le grand-duc de Toscane ; il s’appelle l’Autriche.

Nous sommes intervenus en Italie, en 1832, pour empêcher l’extrême liberté et l’extrême despotisme. À cette époque, ces deux extrêmes n’étaient qu’une crainte, un danger qu’il fallait prévenir. Aujourd’hui, le danger est devenu un mal. L’extrême liberté est tout près de ramener l’extrême despotisme. Cet état de crise était-il une raison pour s’abstenir d’agir ? Le gouvernement français ne l’a pas cru : il a suivi en 1849 la politique de 1832, et avec raison, avec à-propos,