Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/1102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveauté qui s’attache aux scènes des prairies : ce sont des tableaux de la vie mexicaine observée dans les villes, et telle que de nombreux voyageurs ont pu l’étudier. La mort de l’intrépide Samuel Howland clôt la partie dramatique et vraiment curieuse du livre.

Malgré ce triste dénoûment, on ne saurait, après avoir lu cette relation, garder le moindre doute sur le résultat des efforts incessans que tente la race anglo-saxonne pour imposer son influence et sa civilisation au reste de l’Amérique. Même quand ils échouent, les Américains du Nord nous font admirer leur intrépidité et leur persévérance. Il y a un autre enseignement à tirer du récit de ces campagnes aventureuses, par lesquelles les Américains préludent souvent à des conquêtes armées. Tandis que l’Europe se consume en luttes stériles et douloureuses, l’Union américaine lui donne un exemple dont il serait temps de profiter : cette tendance au déplacement, à l’expansion, ne contraste-t-elle pas singulièrement avec cet élan fiévreux qui porte nos vieilles sociétés à se replier sur elles-mêmes, à concentrer toute leur attention, toute leur énergie dans le cercle étroit de leurs agitations intestines ? Si la démocratie américaine a, comme nous, ses loco-foco, elle a aussi ses défricheurs, ses commerçans et ses chasseurs ; c’est l’avant-garde qui porte sans cesse au loin le pavillon étoilé, qui fraie des routes et ouvre des contrées nouvelles à des populations impatientes d’élargir le théâtre de leur activité. Puisse la nation américaine être pour les nations européennes ce que sont pour elle-même ces hardis pionniers dont j’ai raconté la marche à travers les déserts, c’est-à-dire un précurseur et un guide ! Puisse-t-elle apprendre à ces ambitions dévoyées, si nombreuses et si dangereuses en ce moment dans notre pays, que les vraies sources du bien-être sont dans le travail, dans l’esprit d’entreprise sagement dirigé, et non dans les stériles agitations de la place publique !


GABRIEL FERRY.