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camp de bergers mexicains, qui, avertis par les aboiemens de leurs chiens, accourent au-devant des voyageurs.

Le premier moment de terreur passé (car les bergers n’avaient pu voir sans effroi ces hommes pâles, amaigris, semblables à des spectres), ce fut de leur part une suite de questions empressées. Depuis des mois, les bergers étaient éloignés des établissemens, et ils ne pouvaient donner aux Américains aucun renseignement relatif aux dispositions politiques du Nouveau-Mexique. Ils avaient passé tout ce temps à faire des échanges avec les Caïguas, et le hasard avait voulu qu’ils fussent dans leur village quand les meurtriers du lieutenant Hull et de ses compagnons y étaient revenus, rapportant les cadavres de onze de leurs guerriers frappés dans ce triste combat. Les Américains apprirent aussi que la ville de San-Miguel, qu’ils croyaient si voisine, était encore à quatre-vingts milles de là, et qu’il fallait, avant d’y arriver, traverser un petit village appelé Anton-Chico.

Après avoir chargé trois de ces Mexicains de porter de leurs nouvelles au général Mac-Leod, commandant de la caravane, resté en arrière avec le gros de l’expédition, les principaux officiers du détachement auquel appartenait M. Kendall résolurent d’envoyer aux autorités de San-Miguel le capitaine Lewis et M. G. Van-Ness, secrétaire des commissaires de l’expédition. Comme complément aux instructions verbales dont ils étaient chargés, ces officiers emportèrent avec eux des proclamations en anglais et en espagnol, pour instruire les habitans qu’une caravane de Texiens approchait de leur pays avec les plus pacifiques intentions. M. Kendall et deux autres voyageurs se joignirent aux deux envoyés, MM. Lewis et Van-Ness ; ils se mirent en route pour Anton-Chico le 14 septembre, treize jours après s’être séparés du gros de l’expédition texienne. La caravane se trouvait ainsi partagée en plusieurs troupes. On n’a pas oublié que MM. Howland, Baker et Rosenburry avaient d’abord été détachés en parlementaires avec une escorte ; de son côté, M. Kendall, après avoir fait partie du détachement de cent hommes envoyé pour reconnaître la route, laissait ceux-ci sur les bords du Rio-Gallinas pour se rendre avec MM. Lewis et Van-Ness à San-Miguel. Enfin, le dernier corps, resté sous les ordres du général Mac-Leod, était en arrière avec les chariots. C’est M. Kendall que nous allons suivre, et c’est avec lui que nous assisterons aux derniers incidens de la campagne.


IV

Une demi-journée de route suffit aux cinq cavaliers pour gagner Anton-Chico, dont la population est de deux cents habitans environ. À l’entrée du village, un Mexicain à la tournure suspecte, monté sur