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il retrouve ces traits conformes à ses souvenirs. Les allégations de Carlos paraissent si plausibles, sa connaissance du pays si positive, qu’il passe immédiatement de l’escorte dans le détachement des batteurs d’estrade. À des doutes prudens succède pour la caravane une confiance aveugle.

À la halte suivante, les batteurs d’estrade purent rapporter des nouvelles d’une grande importance. Ils avaient eu une conférence de quelques instans avec un corps de guerriers indiens en nombre égal au leur. Tous étaient bien armés, quelques-uns avaient des carabines, d’autres étaient montés sur de puissans et forts chevaux américains évidemment volés. C’étaient de vigoureux et athlétiques sauvages orgueilleusement campés sur leurs montures éprouvées, l’air hostile, le regard, menaçant. La maigreur et la détresse des chevaux des Visages-Pâles n’avaient pas échappé à ces pénétrans observateurs, et de la conscience de leur supériorité naissaient leur audace et leur insolence. Aucun d’eux n’avait pu échanger un mot d’anglais avec les batteurs d’estrade ; mais plusieurs d’entre ces Indiens avaient ramassé çà et là dans leurs courses errantes quelques bribes d’espagnol, et Carlos, à l’aide du dialecte comanche, semblable au leur, avait pu converser tant bien que mal avec les guerriers nomades. Leurs réponses avaient été si arrogantes, que le capitaine Caldwell, vieux Texien rompu aux ruses perfides des sauvages, avait donné l’ordre à ses hommes d’apprêter leurs armes, et à cet ordre donné en anglais les Indiens avaient répondu par une manœuvre de nature à prouver qu’ils entendaient mieux cette langue qu’ils ne désiraient le laisser voir. Il y avait là, outre Tom Hancock et le vieux capitaine Caldwell, dont les cheveux avaient grisonné dans les guerres indiennes, quelques batailleurs des prairies qui se plaignaient in petto de ces conférences, et les trouvaient à la fois trop longues et trop pacifiques ; mais les ordres du commandant en chef de l’expédition, le général Mac-Leod, étaient péremptoires. Le général voulait gagner par la douceur l’amitié des peuplades disséminées sur son chemin pour ouvrir une route affranchie de dangers aux caravanes de son pays. Il fallut se conformer aux instructions reçues, et le capitaine Caldwell fit prier les guerriers indiens d’attendre l’arrivée du chef de l’expédition. Quelques sentencieuses et laconiques paroles furent échangées entre les Indiens dans la langue de leur peuplade ; puis, après avoir appris aux blancs le nom de la tribu à laquelle ils appartenaient et leur avoir donné la nouvelle qu’un parti de deux cents Comanches battait la campagne non loin de là, ils promirent de revenir avant la nuit, et s’éloignèrent au petit galop sans vouloir attendre davantage.

Tom Hancock et un autre batteur d’estrade éprouvé furent envoyés sur leurs traces ; ils revinrent au bout d’une heure sans les avoir revus ; seulement ils apportaient la nouvelle qu’à cinq milles de là, dans la direction