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I

M. Kendall commence par nous apprendre quels motifs l’ont décidé à partager les fatigues et les dangers de l’expédition texienne. Les prairies à l’ouest de Saint-Louis, les terrains de chasse des Pawnies et des Osages, avaient été décrits par M. A. Murray ; M. Fields avait raconté un voyage à Santa-Fé, et Washington Irving une excursion au fort Gibson. M. Kendall cherchait pour sa plume un sujet nouveau : il avait par-dessus tout un violent désir de parcourir les régions exclusivement habitées par les Indiens nomades, de prendre sa part des chasses au bison et des sports grandioses de la vie des frontières. Un autre motif qui détermina M. Kendall, et qu’un Français ne comprendra guère, fut le dérangement de sa santé. En Amérique, les émotions d’un voyage dans les prairies sont regardées comme un puissant moyen thérapeutique ; chez nous, un malade qui affronterait de si rudes épreuves nous paraîtrait courir à la mort plutôt qu’à la guérison.

M. Kendall était donc à la Nouvelle-Orléans, attendant avec impatience qu’une occasion s’offrît pour réaliser ses projets de voyage, quand il rencontra un des chefs de la caravane texienne, le major Howard, faisant des achats de marchandises pour l’expédition de Santa-Fé. Le plan de l’expédition s’accordait merveilleusement avec les vues de M. Kendall La caravane devait suivre, je l’ai dit, pour se rendre du Texas à Santa-Fé, une route entièrement nouvelle. Son itinéraire la conduisait sur les terrains de chasse des Comanches et des Caïguas, où devaient abonder le bison, l’ours, l’élan et le daim. On prévoyait des dangers, des privations de toute espèce ; on redoutait des fatigues qui semblaient devoir briser dix fois les santés les plus robustes. C’était autant qu’il en fallait pour décider un Américain préoccupé du soin de sa convalescence. M. Kendall eut bien vite pris son parti ; il se promit qu’il ferait route avec la caravane texienne, et il courut arrêter son passage à bord d’un navire en partance pour Galveston.

À Galveston, un compagnon se joint à M. Kendall. C’est un jeune homme affecté d’une surdité passagère, et qui, comme le hardi touriste, s’est mis en tête de recourir à la panacée américaine, un voyage dans le désert. Le lendemain, les deux malades sont rendus à Houston. Quoique le rendez-vous soit fixé à Austin, les préparatifs de départ mettent déjà tout en mouvement à Houston même. Une compagnie de volontaires a mis en réquisition forcée tous les selliers, les carrossiers et les forgerons de l’endroit. Ces trois corps de métiers sont occupés jour et nuit à réparer les selles, les harnais, les carabines et les chariots. L’expédition projetée est le sujet de toutes les conversations. Des