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commentaires. On fit courir le bruit que la caravane texienne avait pour mission de conquérir le Nouveau-Mexique à main armée, d’y porter peut-être l’incendie, le pillage et la destruction. Ces bruits, dont l’exagération semblait suffisamment démontrée par le petit nombre des voyageurs et par leur incommode équipement, ne laissèrent pas de trouver quelque créance ; ils se propagèrent avec une rapidité funeste et amenèrent peut-être les désastres au milieu desquels la tentative hardie des explorateurs texiens vint échouer. D’autres causes encore contribuèrent à disperser la caravane. Toutefois, pour avoir été malheureuse, l’expédition de Santa-Fé ne devait point rester complètement stérile, et le zèle des intrépides voyageurs peut revendiquer une grande part dans les événemens dont le Nouveau-Mexique a plus tard été le théâtre.

C’est à M. Wilkins Kendall que nous devons le récit de cette aventureuse campagne. Avant de nous occuper du voyageur, nous adresserons quelques reproches à l’écrivain. Malgré leur prétention de parler anglais plus purement que les Anglais eux-mêmes, les écrivains américains (si l’on excepte Washington Irving et Cooper) sont fort loin d’égaler, pour la pureté comme pour l’éclat du style, les écrivains de la mère-patrie. De nombreux idiotismes et un je ne sais quoi de raide dans la construction des phrases font aussitôt distinguer les premiers des seconds. M. Kendall est Américain, et il ne faut que lire quelques pages de son récit pour s’en apercevoir. La composition du livre laisse à désirer comme le style. La réalité fournissait au narrateur de précieux élémens qu’on regrette de ne pas voir mieux employés. M. Kendall s’étend avec complaisance sur des personnages, sur des faits insignifians, tandis qu’il est avare de détails sur les acteurs principaux de l’expédition. Ce défaut tient sans doute à ce que l’auteur a noté ses impressions à mesure qu’il les ressentait ; il a oublié que des notes quotidiennes ne sont que les matériaux épars d’une composition et non la composition même. M. Kendall a peut-être cédé aussi, dans le cours de son récit, à l’attrait de certains détails personnels. Quoi qu’il en soit, et malgré ces imperfections, sa relation a obtenu en Angleterre et en Amérique un grand succès de curiosité. De tels récits peuvent être regardés comme des révélations précieuses sur la politique commerciale des États-Unis. En effet, que les caravanes américaines soient exclusivement composées d’aventuriers ou d’émigrans réunis à la voix de quelque chasseur du désert ; qu’elles aient pour but quelque gigantesque entreprise particulière, comme celle d’Astor, exécutée au commencement de ce siècle[1] ; qu’elles s’organisent sous les

  1. Washington Irving a décrit dans son Astoria les excursions aux Montagnes Rocheuses entreprises aux frais d’un négociant de New-York, M. Astor, pour fonder un vaste établissement commercial dans l’Oregon.