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trop de mesures vexatoires et onéreuses existent encore dans les législations étrangères. C’est faute de les avoir bien connues que nous avons, dans des conventions déjà anciennes, joué visiblement un rôle de dupes. Chaque jour, d’ailleurs, quelques circonstances particulières poussent tel ou tel gouvernement étranger à adopter certaine mesure qui nous ferme un marché et se résout en une perte immédiate pour nos commerçans et pour nos manufacturiers ; il appartient à la diplomatie de prévoir et de prévenir des coups aussi funestes. Quand elle se sera bien pénétrée des grands intérêts économiques confiés à sa vigilance, nous ne la verrons pas, comme cela est arrivé plus d’une fois, ignorer jusqu’au dernier moment les dispositions qui nous atteignaient, et se borner alors forcément à de tardives et stériles représentations. L’histoire de nos traités de commerce et de navigation et de nos conventions postales depuis trente années établit clairement que nos envoyés à l’extérieur ont manqué trop souvent d’informations exactes sur les détails des législations étrangères, de connaissances pratiques dans les questions qui intéressent le plus le commerce national, et de cette habileté prévoyante et décidée qui triomphe des difficultés en sachant tout d’abord en pénétrer le caractère et en mesurer l’étendue. Faut-il rappeler, par exemple, comment, après avoir, sous la vaine promesse d’une réciprocité de traitement, ouvert nos portes aux vaisseaux anglais, notre marine marchande a rencontré des obstacles imprévus et insurmontables dans les exigences fiscales d’institutions particulières ou dans des privilèges locaux consacrés par des lois vieillies ? Faut-il dire qu’en réglant les conditions du régime postal avec le même pays, nous admettions les journaux anglais sous un droit analogue à celui de nos feuilles quotidiennes, tandis que certaines de nos publications périodiques restaient assujetties à une taxe dix fois plus élevée ? Pour les colonies anglaises, les Indes Orientales par exemple, le traitement réservé à la France est encore plus sévère ; variant suivant les villes, le droit perçu équivaut à une prohibition complète. Quand nous avons traité avec la Belgique pour le mène objet, nous avons reçu les journaux belges moyennant la taxe postale imposée aux journaux français, et nos feuilles périodiques, en franchissant la frontière, se sont vues assujetties à un droit supplémentaire de timbre qui double les frais de poste. Combien de fois notre gouvernement n’a-t-il pas été assailli des plaintes légitimes de l’imprimerie et de la librairie nationales contre l’audacieuse piraterie des contrefacteurs belges ! Qu’a-t-on essayé pour combattre ou pour atténuer une atteinte aussi audacieuse à la propriété intellectuelle ? Nos exportations de livres se sont abaissées de plus en plus ; notre librairie a été réduite aux abois.

Ce que nous disons là d’une industrie, nous pourrions le dire de beaucoup d’autres. La diplomatie ne s’est point assez préoccupée des intérêts économiques du pays. Elle e aujourd’hui devant elle une œuvre immense qu’il n’est plus possible d’ajourner. Pour l’accomplir, elle peut prendre exemple sur la diplomatie britannique. Les agens anglais se font remarquer dans tous les pays par une rare perspicacité à pressentir les difficultés qui pourraient nuire aux intérêts commerciaux de leur nation et par une indomptable ténacité à les combattre. Ils ont derrière eux une longue tradition d’efforts dont ils poursuivent fidèlement le cours ininterrompu. Ils obéissent aussi à ce que nos voisins appellent la pression du dehors, L’impérieuse nécessité d’ouvrir des marchés aux produits nationaux est, de l’autre côté du détroit, une de ces vérités incontestées qui se résument