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II

Des projets fort divers ont été présentés pour conjurer les effets de la crise industrielle ; on les a vus surgir par milliers. Le mouvement qui agitait tant d’esprits a-t-il révélé quelques nouvelles mesures susceptibles de porter remède aux maux signalés ? Quand on prend connaissance de ces propositions innombrables, on demeure stupéfait que d’une pareille fermentation n’aient pas jailli plus d’idées justes et fécondes. Notre dessein n’est pas de suivre, dans leurs mille détails, ces élucubrations où éclate le plus souvent tant d’inexpérience. Quelques combinaisons plus réfléchies sont seules dignes d’examen ; on peut aisément les ramener à des termes simples et clairs. Pour relever l’industrie de son abattement, pour ranimer les transactions évanouies, on a conseillé au gouvernement de prêter de l’argent aux manufacturiers, d’ouvrir des crédits, de faire des commandes sur une grande échelle, d’allouer des primes à la sortie des produits, de créer des compagnies ou des comptoirs d’exportation. Tous ces moyens supposent l’aide active du trésor public. Le défaut commun de ces mesures, c’est de s’adresser à l’état, comme s’il avait des ressources inépuisables, sans se demander auparavant ce qu’il peut. Viennent ensuite des avantages et des inconvéniens inhérens à la nature de chaque système.

Les prêts directs permettent de donner au travail un aliment immédiat ; mais voilà que l’état se transforme aussitôt en banquier : il est obligé de faire un choix entre les emprunteurs qui sollicitent son appui, d’entrer dans l’examen des situations individuelles. C’est là une tâche difficile qui conduit nécessairement à des exclusions arbitraires. Aussi les prêts ne profitent-ils pas à l’industrie en général ; ils ne servent qu’à quelques industriels, quand les autres sont sacrifiés. Cet inconvénient diminue, si les avances sont faites sur dépôt de marchandises à tous ceux qui ont des produits en magasin ; mais alors les valeurs données en garantie appauvrissent singulièrement le capital de l’emprunteur. Si le système des prêts peut s’adapter utilement à certaines circonstances particulières, il est mauvais comme mesure générale.

Les établissemens de crédit ont, sur les avances directes, cet important avantage, qu’on peut combiner l’aide de l’état avec des élémens tirés du sein même du corps industriel. Subventions du trésor, souscriptions des fabricans, peuvent ici se fortifier et s’étendre pour le bien général. Contribuant à son propre relèvement, l’industrie puise dans cet effort une salutaire confiance en elle-même. S’il fallait compléter l’action des établissemens de crédit par une aide plus directe, mieux vaudrait encore le secours donné au moyen de commandes que le système des avances en argent. Les commandes permettent aussi de ranimer immédiatement le travail dans telle ou telle fabrication, sans que l’industrie s’accoutume autant à se reposer sur le bras qui la soutient. L’état grève, il est vrai, le présent ; mais, si les dépenses sont bien dirigées, il retrouve plus tard, dans un accroissement de son matériel, la compensation de ses sacrifices. Tout en anticipant ainsi sur les besoins futurs, il est libre d’ailleurs de proportionner l’assistance aux moyens dont il dispose. Son action est plus gênée et plus incertaine quand les effets des mesures proposées, au lieu de se restreindre à l’intérieur du pays, débordent par-delà les frontières nationales. Ainsi, pour