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Michel et Fourmies, était parvenue au chiffre de six cent mille kilogrammes, estimés environ 7 millions. Pas un seul écheveau ne sortait de l’arrondissement. Les ateliers de tissage, où s’agitait incessamment une population de trente mille individus, suffisaient à la consommation des filatures. Perdant du terrain depuis quelques années devant la redoutable concurrence de l’Alsace, le tissage du coton était encore pratiqué, à la veille de la révolution de février, par quarante mille ouvriers. Quinze mille femmes de tout âge, divisées en d’assez nombreuses catégories, se consacraient à la broderie sur tulle et sur mousseline. Ajoutez à ces industries principales les établissemens de grillage, de blanchisserie et d’apprêt, qui donnent la dernière préparation aux tissus, et d’importans ateliers pour la construction des machines, et vous aurez une idée des immenses intérêts accumulés dans cette ville, naguère encore assez peu connue. Nous citerions difficilement un autre district que la crise ait plus rudement frappé. Durant les mois de mars et d’avril, presque tous les ateliers ont cessé leurs travaux. En considérant dans leur ensemble les dix derniers mois de 1848, l’activité habituelle s’est ralentie environ des deux tiers. Dans les Ardennes, l’industrie sedannaise n’a pas interrompu aussi complètement le cours de sa fabrication. Les manufactures de draps, célèbres dans le monde entier, et les ateliers métallurgiques ; de Sedan avaient en magasin, au mois de février 1848, une masse de matières premières qui ont alimenté le travail au milieu de la stagnation des affaires et de la dépréciation des valeurs. Nous voyons, au contraire, à Réthel, le peignage, la filature et le tissage de la laine, privés d’une pareille ressource ; entrer en chômage presque dès le commencement de la secousse. Dans l’Oise, l’industrie de la laine filée, dont tous les produits sont ici des articles de luxe, reçoit un coup terrible qui prive de toute ressource les ouvriers des campagnes employés pour la confection des mérinos, des cachemires, etc. Quelques articles plus communs, la poterie, la faïencerie, la tabletterie, conservent seuls leur personnel presque complet.

Dans l’est de la France, où les grands centres industriels sont moins rapprochés les uns des autres, ont n’a pas éprouvé aussi continuellement ce saisissement intérieur que provoquait l’uniforme désolation des départemens septentrionaux ; mais, si on entre dans les villes de fabrique, on y retrouve des impressions également attristantes. Ainsi voilà la ville de Reims obligée de fermer pendant les mois de mars, avril et mai, les magnifiques filatures de laine dont elle était si justement fière. Des ateliers communaux, triste imitation de nos ateliers nationaux, absorbent en quelques semaines un emprunt extraordinaire de 400,000 francs. Sans une commande de 1,500,000 francs de mérinos arrivée de New-York au moment où toutes les ressources étaient épuisées, il aurait fallu désespérer de la situation. À Troyes, qui renferme d’assez importantes filatures de coton, dont les produits sont destinés à la fabrication locale de la bonneterie, de la ganterie, des tricots circulaires, tous les tissus de coton fabriqués pendant l’hiver de 1847-1848 attendaient les ventes du printemps et de l’été, quand éclata la révolution. Au lieu de se vider comme d’habitude, les fabriques sont restées pleines, et les filatures, manquant de commandes nouvelles, se sont mises aussitôt en chômage. Dans la Moselle, les établissemens métallurgiques, les fabriques de peluche de soie pour la chapellerie, les faïences de Serreguemines et de Longwy, les verreries de Saint-Louis, de Goetzenbruck