Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’ici aux territoires civils des trois provinces et aux territoires mixtes de la province de Constantine, le recensement restait à faire pour une grande partie des territoires mixtes des provinces d’Alger et d’Oran, et pour l’étendue presque entière des territoire arabes. Nul doute que, dans les régions inexplorées, la France n’ait à revendiquer de vastes superficies.

Un fait récent servira d’exemple. Le général de Lamoricière, qui s’est livré à de longues études sur les conditions de la propriété parmi les indigènes, a reconnu, dans les environs d’Oran, d’excellentes terres sur lesquelles l’état a des droits incontestables. Ce sont des domaines de main-morte, désignés sous le nom général de sabega et subdivisés en fiefs dits mecheta. Leur constitution rappelle le régime féodal, où la terre était abandonnée à l’officier civil ou militaire, sous la condition d’un service et moyennant une légère redevance, destinée à constater le droit du suzerain. Possédés souverainement depuis trois siècles par les beys d’Oran, ces sabega étaient affectés à l’entretien des cavaliers du makhzen, ou concédés viagèrement à des familles non militaires. Le fonds restait inaliénable et devait faire retour à l’état. Il paraît, néanmoins, que la plupart des détenteurs, profitant de la confusion qui a suivi la conquête, ont fait acte de propriétaires, en vendant les immeubles dont ils n’étaient que les usufruitiers. Grace aux recherches du général de Lamoricière, le domaine a chance de rentrer en possession de près de 5,000 hectares.

En supposant même que le fonds domanial, accru de toutes les terres dont la réunion pourra être effectuée successivement, n’atteignît pas encore des proportions suffisantes, il n’y aurait là aucun sujet d’alarmes pour l’avenir. Chaque tribu algérienne a pour patrimoine collectif un territoire qui, presque toujours, est beaucoup trop étendu pour ses besoins, même en tenant compte des imperfections de la culture arabe. Il sera donc possible d’obtenir autant de terres qu’il faudra pour l’épanouissement d’une grande population, en traitant de gré à gré avec les indigènes, par achats ou par échanges. C’est ainsi qu’ont été acquises aux trois quarts les terres occupées aujourd’hui par les Européens, soit par transactions entre particuliers, soit par mesures administratives ; et, il faut le dire, ce procédé, qui prévient les contestations et les ressentimens, est peut-être le plus simple et le moins dispendieux. Il est à remarquer que les terres détenues par les indigènes sont en général de bonne qualité ; qu’étant exploitées à des intervalles plus ou moins longs ; elles n’exigent pas un défoncement complet, et que le travail épargné aux Européens par ces restes de culture les dédommage complètement du prix modique payé pour l’acquisition.

Quelquefois on rétrécit le territoire d’une tribu moyennant de faibles compensations, quelquefois on la détermine à porter ses tentes plus