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prix d’immeubles, la faculté de contracter avec les indigènes, l’expropriation pour cause d’utilité publique. Pour transformer, s’il est possible, les agioteurs en colons utiles, on rend obligatoires la vérification des titres et la limitation exacte des biens, et on frappe d’un impôt de 10 francs par hectare les terres laissées dans l’inculture.

Ces ordonnances ont reçu leur exécution, du moins en ce qui concerne le contrôle des titres. L’ensemble des opérations laisse entrevoir que le territoire acquis par les Européens et soumis à la vérification est d’environ 250,000 hectares, et que cette surface est partagée entre 1,500 propriétaires, en y comprenant des indigènes qui ont placé leurs acquisitions sous la garantie de la loi française. Une évaluation des propriétés de cette nature, possédées par les colons européens, serait très hasardeuse. Sans demander pour les chiffres que nous allons produire plus de confiance que n’en obtiennent d’ordinaire les calculs approximatifs, nous dirons que les propriétés particulières, maisons ou terres achetées, bâtimens de ville ou de campagne construits, représentent une valeur totale de 80 à 100 millions.

Cette estimation ne comprend pas les concessions provisoires, c’est-à-dire ce second genre de propriétés créé, avons-nous dit, par la distribution des biens qui composent en Algérie le domaine de l’état. La victoire ayant substitué le gouvernement français aux droits de la régence, le général en chef, par arrêté du 8 septembre 1830, déclara acquis au domaine de l’état « toutes les maisons, magasins, boutiques, jardins, terrains, locaux et établissemens quelconques, occupés précédemment par le dey, les beys et les Turcs sortis du territoire de la régence. » La découverte et la revendication des propriétés publiques est une tâche difficile, même en France. Qu’on se figure donc les obstacles qu’a dû rencontrer l’administration algérienne parmi les races hostiles, intéressées à nous tromper, parlant une langue qui n’est pas la notre, invoquant, à l’appui de leurs prétentions, des lois, des contrats, des coutumes locales dont il nous est difficile d’apprécier la légitimité ! Convaincue de l’impossibilité de procéder d’une manière normale, l’administration s’est décidée à poursuivre sa tâche au jour le jour, en profitant de toutes les informations, de toutes les éventualités. Quoique les renseignemens ne soient pas complets, il est du moins possible d’établir approximativement, par province et par localité, la situation des immeubles domaniaux, leur nature, leur contenance, leur emploi et leur valeur relative. Le tableau récapitulatif, arrêté à la date du 31 décembre 1846, porte à 15,128 le nombre des propriétés domaniales, qui se décomposent : 1° en immeubles affectés à des services publics ; 2° en immeubles non encore utilisés et gérés provisoirement par l’administration des domaines.

La première catégorie présente, pour ainsi dire, le capital que la France a immobilisé en Afrique. On y a compris les terres ou édifices