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salam, salam (santé). Voilà le chœur de la tragédie antique ; il est bien dans la nature.

Aujourd’hui, 3 féfrier, le thermomètre marque, à l’ombre, 30 degrés centigrades. Le ciel est blanc au lieu d’être rouge comme en Égypte. La chaleur est étouffante, nous allons tâcher de dormir au coassement des grenouilles et au sifflement des serpens.


Gartach.

Nous avons erré dans les carrières de Gartach ; elles sont curieuses par la quantité d’inscriptions grecques tracées sur les parois des rochers. Les noms propres qui figurent dans ces inscriptions sont ou grecs, ou latins, ou évidemment égyptiens d’origine. Quelques-uns de ceux-ci sont rares et insolites, comme Pamechemis, Petetais, Petermonthos. La plupart de ces inscriptions renferment un hommage rendu à une divinité par un personnage accompagné de divers membres de sa famille. L’un de ces personnages a deux noms, un nom égyptien, Pamès, et un nom grec, Drakôn. Il est remarquable qu’il y ait plus de ces hommages écrits en grec qu’en égyptien populaire (démotique). Tous ceux qui savaient un peu de grec mettaient leur vanité à l’écrire.


Beit-Oually.

Ce lieu offre un des plus remarquables monumens de la Nubie. C’est un speos (temple taillé dans l’intérieur du roc) de médiocre grandeur, avec un corridor à ciel ouvert qui conduit à l’entrée ; sur les parois de ce corridor, une suite de bas-reliefs du plus grand intérêt montrent le grand Ramsès[1] triomphant de ses ennemis. Les scènes ordinaires de sièges et de combats sont diversifiées par quelques détails qui ont particulièrement attiré mon attention. Ramsès, représenté avec une taille gigantesque, saisit par les cheveux un guerrier géant aussi, quoique moins grand, dont la tête dépasse la forteresse que son corps semble remplir, tandis qu’un fils de Ramsès attaque la porte une hache à la main ; sur le rempart, une scène animée représente des guerriers qui parlementent, des femmes qui supplient, un prêtre qui s’avance au-devant du conquérant, l’encensoir à la main, tandis qu’un défenseur désespéré se précipite des remparts, et qu’une mère tient son enfant suspendu dans les airs pour le précipiter aussi ou pour attendrir le vainqueur. Ailleurs, dans une déroute, un nègre blessé revient vers sa demeure, appuyé sur deux de ses compagnons ; sa femme et son enfant s’avancent à sa rencontre avec des gestes de douleur. Ces détails montrent que ces peintures guerrières ne sont pas toutes

  1. C’est lui et non son père, comme le croyait Champollion (lettres, p. 156 et suivantes), trompé par une variante dans le prénom de Ramsès-le-Grand, qui lui avait fait compter un Ramsès de plus que n’en offrent les monumens.