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faisant courir le monde à ses deux enfans, Léopold Mozart avait pour but non seulement d’améliorer sa modeste position, mais surtout de perfectionner l’éducation de son cher Wolfgang en le mettant en rapport avec les grands maîtres de l’art. Mozart avait alors à peine six ans. Son exécution sur le piano était déjà merveilleuse ; son génie précoce rayonnait de toutes parts et semblait attendre avec impatience que la nature lui permît de prendre possession du vaste empire de l’art musical. Toujours possédé du besoin de donner cours à sa fantaisie, on était souvent obligé de lui interdire le travail, tant il s’y appliquait avec ardeur. Léopold Mozart et ses deux enfans se rendirent d’abord à Munich dans le mois de janvier 1762. Ils revinrent tout joyeux à Salzbourg, après avoir charmé pendant trois semaines la cour de l’électeur de Bavière, l’une des plus brillantes et des plus musicales de l’Allemagne. Dans l’automne de cette même année, ils partirent pour Vienne. Ce voyage fut un véritable triomphe pour Wolfgang. Il lui fallut s’arrêter quatre jours chez l’évêque de Lintz, qui ne pouvait se séparer d’un enfant aussi extraordinaire. Le jeune Mozart touche de l’orgue dans un couvent de franciscains, dont il excite l’enthousiasme, et aux portes de Vienne il adoucit la rigueur des douaniers en leur jouant un menuet sur son petit violon. À peine sont-ils arrivés dans la capitale de l’Autriche, que tout le monde veut entendre le virtuose de six ans ; les invitations arrivent de toutes parts, les beaux équipages se succèdent à la porte des pauvres voyageurs ; les nobles dames, les princes et les grands seigneurs se disputent l’honneur de posséder à leur table les deux enfans de Léopold Mozart, qui, au milieu de ces succès, conserve son bon sens et sa piété profonde envers la Providence. Admis tous trois à la cour, l’empereur François Ier vient au-devant d’eux jusque dans l’antichambre, et les conduit avec bonté dans l’intérieur des appartemens où se tient Marie-Thérèse, entourée de sa belle et nombreuse famille. Wolfgang, que rien n’intimide, se laisse asseoir, avec la grace d’un bambino santo, sur les genoux de l’impératrice, qui admire la gentillesse de ses manières autant que son talent extraordinaire. Il tombe sur le parquet glissant des appartemens de la cour, et l’archiduchesse Marie-Antoinette s’empresse de venir à son secours. « Vous êtes bien bonne, lui dit Wolfgang, c’est pourquoi je veux vous épouser. » La princesse ayant rapporté le mot à sa mère, Marie-Therèse demanda à l’enfant « d’où lui venait ce désir qu’il avait d’épouser sa fille. — De la reconnaissance, répondit-il ; elle a été si bonne pour moi, tandis que ses sœurs me regardaient sans bouger. » Un baiser accompagné d’un charmant sourire fut la réponse de la jeune et belle princesse au compliment que lui adressait Wolfgang. Qui sait si ce baiser imprimé par la bouche adorable de l’infortunée Marie-Antoinette sur le front de Mozart n’y a pas déposé le germe du beau caractère