Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/873

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ans. M Conscience connaît les principaux chroniqueurs de son pays, sans se donner la tâche de contrôler leurs narrations, il profite de ces vieux récits avec une habileté remarquable. Le sentiment qui l’inspire, sa muse toujours présente, c’est, on le pense bien, le patriotisme plutôt que la vérité impartiale, le prosélytisme de la renaissance flamande plutôt que l’érudition patiente et la haute philosophie de l’histoire moderne. L’ouvrage est divisé en dix livres qui embrassent avec bonheur les dix périodes importantes de la Belgique : les origines, la domination romaine, la conquête franke, la féodalité, la lutte des communes contre le régime féodal, la Belgique sous les ducs de Bourgogne, sous les princes de la maison d’Autriche, sous les rois d’Espagne, sous les empereurs allemands, et enfin la période qui commence à la révolution française et se prolonge jusqu’à nos jours. Je m’étonne que cette dernière partie soit si écourtée par l’auteur, et que cinq ou six pages lui aient suffi pour raconter les faits qui nous intéressent le plus. J’aurais pensé, au contraire, que toute la suite des destinées de ce pays devait être comme une introduction à l’époque actuelle, et qu’après l’étude du passé l’auteur peindrait les faces présentes de cette nationalité dont il est si fier. Je regrette aussi que l’histoire de l’art et l’histoire des lettres tiennent si peu de place dans ce vaste tableau ; c’est la peinture cependant qui fait l’originalité de ce pays, et quant aux lettres flamandes du moyen-âge, personne mieux que M. Conscience ne pouvait résumer d’une façon vive et claire les travaux des érudits sur ce sujet obscur. Malgré ces critiques, malgré ces regrets, l’ouvrage de M. Henri Conscience remplit une lacune importante de l’histoire européenne, et il y aurait un profit sérieux à le traduire dans notre langue.

L’Histoire de Belgique a paru en 1845 ; l’année d’après, quittant les chroniques poudreuses pour les vertes prairies de sa terre natale, l’auteur du Lion de Flandre et de Hugo de Craenhoven s’abandonnait, dans une composition charmante, à son religieux amour de la nature. Ce livre n’est ni un roman ni un traité scientifique ; ce sont des réflexions libres, c’est un dialogue entre un vieillard et un enfant sur les mille splendeurs qui nous environnent. M. Conscience voulait d’abord appeler son ouvrage Merveilles du Monde ; mais plus modeste, et sentant bien son impuissance devant l’immensité du sujet, il choisit simplement ce titre : Quelques Pages du Livre de la Nature (Einige Bladziden uit het Boek der Natuer). Il y a infiniment de grace, il y a une sorte de tendresse mystique dans les descriptions du poète. Les paroles de la Bible qui servent d’épigraphe à tous les chapitres ouvrent convenablement ces belles études. C’est tantôt l’hymne de Job : Quis est pluviœ pater ? Vel quis genuit stillas roris ? Quis proeparat corvo escam suam, quando pulli ejus clamant ad Deum, vagantes, eo quod non habeant cibos ?