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chantait son père : Rikke-tikke-tak, rikke-tikke-tou, etc Le père, devenu colonel, retrouve son enfant et l’emmène ; mais le fils de la méchante femme, le petit Jean, s’était attaché à Léna : c’est son tour maintenant de se lamenter et de courir les grandes routes en chantant : Rikke-tikke-tak, rikke-tilcke-tou, jusqu’à ce qu’il retrouve sa compagne. Naïves histoires de bonne femme, rustiques et familières églogues encadrées dans une nature plus familière encore, et que relève, à défaut de poésie, une pure lueur de la grace morale ! Quelquefois ce sont des contes populaires ingénieusement reproduits dans la forme même que le peuple leur a donnée : ainsi la légende intitulée l’Esprit, ainsi encore le Maître d’école du temps de Marie-Thérése. Au contraire, la nouvelle intitulée Quintin Metzys est un joli tableau de genre, plein de finesse et de distinction. Je regrette que M. Conscience se croie toujours obligé de maudire les Français et tous ceux qui parlent leur langue ou ne repoussent pas leurs usages. Cette hostilité systématique n’a pas seulement le tort très grave de défigurer les peintures de l’auteur, elle me semble une tactique bien funeste dans un pays où la race flamande n’est pas seule. Lorsque M. Conscience, dans l’histoire de Siska de Rosmael, met tous les vices du côté des Français et prodigue toutes les vertus aux Flamands, croit-il obéir à une inspiration bien sérieuse ? Je m’étonne, en vérité, qu’avec tant de ressources et de talent, l’auteur du Lion de Flandre convoite si souvent une popularité de mauvais aloi. Quoi de plus joli, par exemple, que le fragment intitulé : Comment on devient peintre ? Dans son Quintin Metzys, M. Conscience avait détaché une gracieuse page de la biographie des maîtres flamands ; la petite nouvelle que je signale est spirituellement empruntée à l’histoire de l’art contemporain. Une bonhomie comique, une gaieté douce et franche anime ce charmant tableau, qui rappelle çà et là, sans trop de danger pour l’auteur, les Menus Propos de M. Töppfer.

Encouragé par le succès, l’activité de M. Conscience semble avoir redoublé depuis quelque temps. C’est décidément un apostolat que ce grave esprit s’est attribué. Après avoir ému et charmé ses compatriotes par ses romans sérieux et ses familières peintures, il a voulu leur apprendre leur histoire. On ne possédait pas encore un tableau suivi des destinées de la Belgique, il fallait en rassembler les fragmens dans toutes les histoires des états européens auxquels ce peuple a été mêlé pendant des siècles ; M. Conscience a fait ce présent à son pays. Son Histoire de Belgique (Geschiedenis van Belgïe) est une composition pleine de mouvement et d’intérêt. Ce n’est pas l’histoire érudite, ce n’est pas le travail original de l’écrivain qui puise aux sources ; c’est l’histoire éloquente, dramatique, faite pour être lue avec plaisir et propagée rapidement, l’histoire telle que l’a conçue Schiller dans la Guerre de trente