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adversaires obligés ; abstraction faite de tout intérêt et de toute question d’amour-propre, les plus simples considérations politiques, la plus légère étude des besoins généraux de l’Europe, nous défendent de sympathiser avec eux. Nos conclusions seront bien différentes, si ce mouvement n’a d’autre but que de ranimer le culte des souvenirs poétiques ; ces tentatives nous souriront, comme toutes celles qui vont, chercher dans quelque sentier écarté les précieuses fleurs de l’imagination populaire ; notre esprit s’y associera avec joie, et nous ne demanderons pas mieux que d’y rencontrer des trésors.

D’où vient cette langue flamande que plusieurs écrivains habiles s’efforcent de remettre aujourd’hui en lumière ? Un érudit du XVIe siècle, Jean de Gorp, affirme très gravement, dans un bizarre ouvrage (Indo-Scythica. Anvers, 1569), que le flamand est la langue primitive, celle que le Dieu de la Bible a enseignée au premier homme dans le paradis terrestre. On s’aventurera beaucoup moins en disant qu’elle se rattache par des liens étroits à la langue teutonique parlée dans le nord de la Gaule et dans le pays des Belges sous la domination carolingienne. Quand la France triompha de l’influence germanique et fit monter Hugues Capet sur le trône, elle repoussa aussi l’idiome des conquérans, et la langue romane, résultat laborieux de la vieille civilisation gallo-romaine, s’étendit non-seulement dans le nord de la France, mais dans une partie de la Belgique, où elle prit le nom de wallon. Rejetée vers le nord, la langue teutonique trouva plus d’un asile en-deçà du Rhin. Dans le pays destiné à être un jour la France, elle usurpa encore l’Alsace et la Lorraine ; dans la Belgique, elle s’établit à côté même du wallon entre l’Escaut et l’Océan. Cette langue, connue d’abord sous le nom de flamand ou de brabant (vlaemisch brabantisch), atteignit d’assez bonne heure sa première formation. Elle se développe presque aussi rapidement que le français, et beaucoup plus tôt que la langue hollandaise, issue, comme elle, de la grande souche tudesque. Dès le XIIe siècle, elle ne figure pas seulement dans des édits ou des lois ; elle est assez bien constituée déjà pour servir d’interprète à la pensée et fournir des monumens poétiques. C’est elle qui donne à la littérature européenne les premiers linéamens de cette vaste épopée burlesque où le moyen-âge déposera toutes les courageuses railleries, toutes les libérales protestations du sens commun ; c’est elle qui écrit le Roman du Renard, et qui va le livrer, comme un texte inépuisable, aux amplifications sans nombre de la satire populaire. Le XIIe siècle produit encore plusieurs ouvrages récemment publiés par l’érudition moderne. S’il faut se défier du patriotique enthousiasme des archéologues flamands, lorsqu’ils réclament pour leur pays le poème des Niebelungen, on ne saurait nier pourtant que, d’après des recherches très dignes de foi, la liste des