Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
848
REVUE DES DEUX MONDES.

vingt-deuxième édition. Depuis ces heureux débuts, M. Montgomery tout en faisant son chemin dans l’église, a publié six ou sept volumes de poésie, presque tous bien accueillis par le public, et divers ouvrages en prose d’une tendance exclusivement religieuse comme celle de ses vers. Dans l’un de ces derniers, l’Évangile en avant du siècle, le révérend auteur a entrepris de démontrer que non-seulement les saintes Écritures ont seules le secret de ce qui peut satisfaire les besoins des nations, mais encore que la religion, le christianisme dans toute sa rigidité littérale, doit être la seule règle des sociétés comme des individus, la seule base de la législation comme de la morale privée. En un mot, M. Montgomery a pour principe que toute science est dans la Bible, que toute poésie est dans la Bible, et que le devoir de l’homme, comme son intérêt, est d’employer uniquement ses facultés à interpréter la révélation et à la mettre en pratique. Le recueil de vers qu’il, vient de publier, the Christian life, n’est en quelque sorte qu’une application de ses doctrines. C’est une suite de morceaux détachés dans lesquels l’auteur, suivant ses propres expressions, « s’est efforcé de recueillir ce qu’il y a de merveilleux dans l’omniscience des Écritures, en choisissant pour sujets les textes où la vérité inspirée s’allie aux gloires de la nature, à la sagesse de la Providence et aux mystères de la grace. » Disons-le toutefois, ce serait faire tort au poète que de se représenter ses vers comme des paraphrasés rimées, des amplifications religieuses façonnées de propos délibéré. Évidemment sa poésie exprime souvent des impressions réellement ressenties. Que l’on se figure un prédicateur qui passe ses jours à méditer, et qui se fait poète chaque fois que, sur la route de ses méditations, il rencontre quelque perspective qui frappe son imagination, on pourra de la sorte se faire une notion assez exacte du manuel poético-religieux du révérend. Ajoutons que son talent a tout ce qui distingue l’idée fixe : la sincérité et la monotonie. Son spiritualisme est poussé à un tel point, que l’on ne retrouve chez lui, en quelque sorte, aucune des impressions que peuvent causer les formes et les couleurs. Il ne converse qu’avec le sens caché des choses, et, quand il parle du monde visible, son langage est loin d’avoir toujours le naturel qui indique un sentiment réel. De plus, le dialecticien, dans ses vers, remplace souvent le poète, et, lors même qu’il est vraiment inspiré, la peine que l’esprit est forcé de prendre pour concevoir les abstractions qui l’inspirent nuit quelque peu à l’entraînement du lecteur. Pour tout dire en un mot, la poésie de M. Montgomery n’exprime guère qu’un seul sentiment : un sentiment de vénération permanente ; mais cette corde-là au moins vibre assez franchement, et, sans avoir la foi du révérend écrivain, on peut fort bien encore sympathiser parfois avec son mysticisme, sous lequel il n’est pas difficile de reconnaître le même sentiment qui faisait dire à Shakspeare : « Il y a plus de choses sous le ciel que vos savans n’en soupçonnent. »

J. M.


V. de Mars.