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pare, et qui ne les manque jamais, parce qu’elle les épie. D’où vient que l’occasion, cette fois, lui aura paru belle ? et à qui remonte le tort de la lui avoir fournie ? N’est-ce pas encore une autre édition de la même histoire ? un autre chapitre de cette désastreuse politique avec laquelle nos nouveaux révolutionnaires perdent tout à force de vouloir tout conquérir ? Si les Magyars doivent succomber et disparaître du nombre des nations, s’ils doivent succomber sous les coups des Russes et frayer par leur chute un passage plus commode aux ambitions moscovites, nous déplorerons certainement une si terrible destinée. Ce ne peut jamais être un sujet de joie d’apprendre qu’un peuple qui fut grand s’affaisse et tombe ; c’est toujours un sujet d’angoisse de savoir une barrière de moins entre l’Europe asiatique et la notre. Qui donc cependant a jeté dix mille Russes dans les murs de Cronstadt et d’Hermanstadt ? À qui l’Europe constitutionnelle a-t-elle droit de s’en prendre et d’imputer cette approche de mauvais augure ?

Il y avait naguère en Hongrie comme en Italie des citoyens éminens qui préparaient, qui accomplissaient dans les limites du possible, de justes et pacifiques réformes. Ils n’avaient pas le goût de la destruction radicale, et pourtant tout le bien qui a été fait dans ce pays, où il en fallait tant faire, est sorti de leurs mains. Au premier rang était le glorieux Széchény ; le despotisme autrichien dans toute sa force ne put empêcher celui-là d’être un vrai libérateur. L’Autriche était à peine entrée dans la voies constitutionnelles, que les révolutionnaires ont poussé tout à l’extrême en Hongrie comme chez elle ; l’Autriche, lésée dans l’unité de son empire, s’est défendue en suscitant l’antipathie des Slaves contre les Magyars, et l’acharnement des Croates vis-à-vis de leurs anciens maîtres a bien prouvé que la réforme n’était pas encore assez mûre pour qu’on pût jouer sans péril à la révolution. M. Kossuth n’a réussi qu’à produire au grand jour la faiblesse nationale, et les brigandages de ses alliés les Szeklers, les frères de race des Magyars, les abominables cruautés qu’ils ont exercées sur les populations sans défense de la Transylvanie, ont soulevé contre toute cette guerre une horreur universelle. La propagande démocratique de M. Kossuth s’est ainsi trouvée perdue, moitié dans ses propres fanfaronades, moitié dans les barbaries d’un autre âge ; l’effroi causé par ses sauvages auxiliaires et le besoin de la paix détruite par l’aveugle fureur de son patriotisme ont jeté les Allemands d’Hermanstadt sous la protection des Russes, les plus redoutables ennemis de l’Allemagne.

Combien l’Allemagne elle-même ne souffre-t-elle pas à l’intérieur de ces passions turbulentes du radicalisme ! Le général Wrangel commanderait-il en maître à Berlin, le général Welden à Vienne, si Vienne et Berlin n’avaient été livrées en proie à la démagogie ? L’assemblée de Francfort serait-elle tombée dans cet état d’impuissance où elle expire aujourd’hui, si les souverains particuliers, traqués chez eux par les radicaux, n’avaient pris tout d’un coup la force en main et ne s’en étaient servis pour s’assurer bien et dument leur propre autorité, sauf à laisser disserter les docteurs et professeurs de Francfort sur cette autorité impériale à laquelle il ne manquera rien qu’un empereur pour la revêtir et la porter ? Nous ne saurions prétendre que nous ayons jamais eu beaucoup de foi dans les systèmes absolus d’unité germanique ; mais nous concevons fort bien qu’il y ait eu là de beaux songes enfantés par de nobles sentimens. Le rêve valait la peine d’une expérience plus sérieuse ; mais voilà qu’à présent les états les plus