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depuis des siècles par un antagonisme naturel, n’est pas fait pour nous rassurer, et il y va de l’honneur, du salut de la France, de ne point permettre que la balance politique penche par trop du côté qui n’est pas le sien S’ensuit-il cependant qu’à cette juste préoccupation de nos intérêts extérieurs nous devions sacrifier l’œuvre laborieuse à laquelle nous travaillons au dedans ? N’est-ce pas au dedans qu’est le premier de tous les dangers, le danger de cette perturbation incessante qui mine notre société, Dès que nous n’employons pas à la pacifier tout ce que nous avons de vigueur ? Si l’on veut absolument nous mettre dans cette dure alternative, ou de laisser les états rivaux grandir à nos portes, ou de servir contre eux la cause du radicalisme, nous trouvons qu’il nous est encore plus nuisible de nous faire les alliés des radicaux étrangers que de rester l’arme au bras spectateurs de leur ruine. Nous trouvons plus utile de restaurer les fondemens ébranlés de notre patrie que d’en passer les frontières pour la défense de ces doctrines auxquelles nous devons nos maux. Nous croyons imprimer au dehors un plus sérieux respect de la France en la délivrant des exagérations révolutionnaires qu’en la lançant à leur suite sur l’Europe justement irritée.

Que nos promoteurs de discorde civile ne viennent pas nous accuser de déserter le drapeau national ; nous subissons la situation qu’ils nous ont faite ; que la responsabilité en retombe sur eux. Ce n’est pas le parti modéré qui a gâté la cause libérale dans le monde, c’est le parti démagogique qui l’a déshonorée par ses violences. Le vrai progrès, la révolution légitime et régulière, s’accomplissait pacifiquement, lorsque le flot des parodies républicaines a tout débordé, sous prétexte d’ouvrir plus largement la route. Les solides conquêtes du bon sens et de l’équité ont été emportées et confondues dans une prétendue émancipation qui n’a bientôt plus été que de la licence. Tout ce qu’il existe en Europe d’amis de l’ordre et de la liberté s’est senti indigné de cette anarchie ; ils ont presque désespéré de leur ancien culte, et peu s’en faut qu’ils ne se jettent partout dans les bras de l’absolutisme. S’il est encore moyen de sauver l’idée de la démocratie, c’est en prouvant qu’on peut la tempérer chez soi et qu’on sait l’abandonner chez les autres, lorsqu’elle devient de la démagogie. L’Italie, l’Allemagne, la Hongrie, ont quitté les voies de la réforme pour celles de la révolution. La France, à coup sûr, remplira bien mieux son devoir en les ramenant aux premières qu’en aidant à les précipiter dans les autres.

Voyez la malheureuse Italie ! Comme le temps est passé où cette pléiade d’hommes distingués, de sages patriotes qui s’étaient rangés autour de Pie IX, la conduisaient honorablement à des destinées meilleures ! Au lieu du saint pontife, au lieu d’un prince libéral et doux comme le grand-duc de Toscane, au lieu de conseillers éminens comme MM. Balbo et d’Azeglio, Minghetti et Capponi, comme M. Gioberti et même M. Mamiani, que la cruelle évidence semble rendre enfin aujourd’hui à ses principes d’autrefois, quels sont maintenant les chefs de l’Italie ? M. Mazzini, l’inspiré mystique, l’apôtre de la république unitaire qui va sacrifier sa patrie aux rêves de son fanatisme, et plus bas, en sous-ordre, les triumvirs de Florence, les triumvirs de Rome. Rome est une république, Florence en est une autre, ou pour mieux dire les deux n’en font plus qu’une, et Florence reconnaît la suzeraineté de Rome ; Rome est la capitale de l’Italie nouvelle, et M. Mazzini en est le prophète. Combien seulement va, durer son triom-